lundi 16 juin 2025

Sale réalisme

Joan Colom




Elle pensait que 
Johan Cruyff
était un de ces professeurs 
de désespoir que j'aimais citer
venu le soir entre deux
verres d'un trop vert pinard
un type du nord 
comme Kierkegaard
ou Dagerman.
Je me lançais
sans élan ni élégance
dans des histoires sans fin
sur cet autre fils 
d'une femme de ménage
le football total
Amsterdam et Pandora
la guerre de Troie
comprenne qui pourra.
Et cet ancien instituteur 
hier
déclamant fièrement
Tous les matins 
je me remets
en bouche un poème
pour faire travailler la mémoire
les pieds
et la langue

après s'être s'emporté 
contre
les trottinettes sur les trottoirs
les mômes sur les écrans
les drones traquant 
civils 
hommes 
femmes 
et enfants
le naufrage de nos dirigeants
l'imposture de toutes leurs positions 
la bêtise des oppositions.
Et me voici
dans le ventre de cette 
nuit de perdition 

cher Roger Wolfe
passant tes vers 
d'enfant de Westerham, Kent
écrits dans ta langue d'adoption
apprise à Alicante
pour moi maternelle
dans ma propre langue 
d'adoption
titubant en me relevant
butant l'adaptation
devant un verre
à moitié vide.
J'observe du coin de l'œil
sur la table la bouteille
ouverte après l'appel
de ma mère
décrépite par les ménages
qui s'étonne au téléphone
dans son mélange de langues
qu'une blouse blanche
lui parle de
ses quatre vingt huit ans
quatre vingt sept 
elle insiste 
oubliant encore
ses deux dates de naissance.

Bientôt l'heure du réveil
seul je sèche 
à faire tenir 
droit
un poème

dit de réalisme sale
que personne n'attend
et
trouve sur la toile
les images en mouvement
en couleur puis en 
noir et blanc 
sous tous les angles
de la fameuse
volée 
du Hollandais volant
un soir de mille neuf cent 
soixante-quatorze
sous le ciel catalan.

Nous avons tous
disait je crois
un poète chilien
mort à Barcelone
Nous avons tous
un ancien amour
à évoquer
lorsque nous n'avons plus
rien à dire 

et que l'aube pointe son nez. 

 

charles brun, hommage à la catalogne



mardi 10 juin 2025

Poésie intelligente

 

Babette Mangolte

 

 

J’apprends à l'instant que la vénérable BBC propose aux aspirants romanciers une masterclass animée par Agatha Christie – tout au moins son ménechme de synthèse. La reine du roman policier dispense désormais ses ficelles à tout un chacun, moyennant la rondelette somme de 79 livres (pounds), pour construire un récit, opérer des retournements de situation, installer et maintenir le suspense, etc. Rassurons-nous, tous ces conseils restitués par synthèse vocale sont recréés à partir des propres mots de la romancière tirés de ses écrits, lettres et entretiens, compilés par des spécialistes de la dame et validés par ses ayant-droits. L’objectif de cet atelier d’écriture nommé BBC Maestro, et qui réunit également quelques pointures vivantes, est de «démocratiser le savoir». Louable entreprise. Qui promet, en sous-texte, de prolonger l’influence des grands noms de l’écriture sous forme de directeurs d’ateliers virtuels. On songe à nos auteurs favoris qui, chez nous, animent des ateliers d’écriture, par exemple ceux que sponsorise le quotidien de Xavier Niel ou la maison Gallimard. Imaginer qu’un David Foenkinos, une Marie Darrieussecq ou un Eric-Emmanuel Schmitt sont appelés à sévir des décades après leur mort n’est pas pour me déplaire.

Il y a un peu moins d’un an, une étude consacrée à la poésie et l’IA fut publiée par la revue Scientific report. Après avoir rassemblé les poèmes de dix auteurs, de Shakespeare à Lord Byron, en passant par Emily Dickinson et Sylvia Plath, les chercheurs à l’origine de la chose ont ensuite généré via l’IA cinq poèmes à la manière de ces grands noms de la poésie. Il fut ensuite demandé à un panel de 1634  personnes, non expertes en lyrisme, de comparer les poèmes originaux et les poèmes rédigés par la machine. Personne ou presque n’a pu faire la différence. Encore mieux, pour la plupart de ces lecteurs, les poèmes écrits par l’IA étaient signés par de véritables auteurs en raison de leur beauté, leur originalité et les émotions suscitées. Conclusion des scientifiques: «Les poèmes générés par IA, comme les peintures ou les visages, sont maintenant plus humains que les humains, et les lecteurs de poésie non experts préfèrent la poésie générée par intelligence artificielle parce qu’elle est plus accessible, et qu’elle communique des émotions, des idées et des thèmes de façon plus directe et dans un langage facile à comprendre». On ne peut être plus clair.

Je viens de jeter un œil à ce que la toile qualifie de générateurs de poésie. L'un d'eux permet de créer sans se creuser la tête des « poèmes d'amour touchants», un « haïku sur le printemps» ou encore un « poème acrostiche nommé». On peut également choisir la longueur du texte ainsi que la langue de la création. Du haut de ma bêtise naturelle, friand de toute nouvelle expérience, j'ai demandé à cette IA de m'écrire un poème à la manière de Bukowski. J'ai répété la même démarche auprès d'une autre IA. Ma joie est immense. Le résultat est bluffant. Faisons un jeu. Je copie ci-dessous les deux poèmes prétendument bukowskien. Et recopie la traduction d'un vrai texte de l'auteur de Women, chopée sur la toile — je n'ai pas de livres sous la main. Je mélange. Saurez-vous dire quel est le poème qu'a véritablement écrit l'ami Bukowski ? 

 

la machine à écrire crache ses mots sales  
comme un ivrogne qui vomit ses rêves,  
les lettres se tordent sur le papier jauni,  
c'est ma vie qui saigne en encre bon marché.  

les bars sentent la bière et la sueur,  
les femmes rient trop fort pour cacher leur peine,  
je bois encore, je bois toujours,  
pendant que le monde pourrit sous nos pieds.  

la ville gronde comme un chien enragé,  
les néons clignotent, éclairs de misère,  
je marche dans la boue des trottoirs,  
mes chaussures trouées pleurent de fatigue.  

les amours passent comme des trains de nuit,  
sifflant leur départ dans un brouillard de larmes,  
je reste là, les mains vides,  
à compter les étoiles qui meurent une à une.  

le matin arrive avec sa gueule de bois,  
le soleil me frappe comme une gifle,  
je rallume une cigarette, je reprends la plume,  
parce que même l'enfer a besoin de poètes.  

et quand je mourrai, ce sera sans fanfare,  
dans un lit sale, avec une bouteille vide,  
mais les mots, ces putains de mots,  
continueront à danser sur ma tombe.

 

 ***

tout va bien puisque je ne suis pas encore mort
et les rats s'activent entre les canettes de bière,
les sacs en papier s'emmêlent comme des petits chiens,
et ses photographies sont collées sur une peinture
à côté d'un Allemand mort et elle aussi est morte
et il m'a fallu 14 ans pour la connaître
et s'ils me donnent 14 années de plus
je la connaîtrai encore mieux...
ses photos collées sur le verre
ne bougent ni ne parlent ,
mais j'ai quand même un enregistrement de sa voix,
et elle parle certains soirs,
de nouveau elle-même
si réelle qu'elle rit
qu'elle dit les milliers de choses,
la seule chose que j'ai toujours ignorée,
qui ne me quittera plus :
j'ai eu l'amour
et l'amour est mort ;
une photo et un morceau de scotch
ne sont pas grand-chose, ai-je appris sur le tard,
mais donnez-moi 14 jours ou 14 années,
je tuerai tout homme
qui osera toucher ou prendre
ce qui reste. 

*** 

Dans le bruit des villes qui n’animent plus,  
je marche,  
les pieds usés, le cœur lourd,  
les néons brûlants illuminent des visages hagards,  
les ombres dansent sur le pavé  
comme mes rêves oubliés.

Les bars crasseux,  
odeur de cigarette et de regrets,  
un verre de whisky pour chaque pensée volée,  
les rires s’élèvent, ivres de douleur,  
et moi, je me perds dans les histoires inachevées  
des âmes égarées.

Les femmes,  
elles ont ce regard,  
à la fois lueur et abîme,  
elles parlent de liberté,  
mais se saisissent de cages dorées,  
et moi, je les écoute,  
captif de leurs murmures.

La nuit se déploie,  
comme une couverture sur une table de poker,  
les étoiles sur le tapis,  
un mélange de rêve et de désespoir,  
qui sait, peut-être que demain,  
je trouverai la beauté dans l’ordinaire.

Mais pour l’instant,  
je sors et je regarde,  
les vies qui passent,  
des histoires se tissent dans l’air,  
des cris étouffés par le bruit de la ville,  
et moi, je reste là,  
un observateur,  
épuisé,  
un poète sans rime,  
un cœur battant au rythme de la solitude.

mercredi 4 juin 2025

Marécages

 

Alfa Castaldi

— Il y a à peine un an, c'était Anouk Aimée. Qui s'ajoutait à Pierre Barouh, Trintignant, Francis Lai...
— Lelouch avait l'air encore en forme quand on l'
a croisé lundi...
— Son cinéma l'est un peu moins.
— On ne peut pas rester éternellement au sommet, inspiré... Mais je préfère voir un mauvais Lelouch qu'un bon Godard...
— Comme tu y vas.
— Je pense que Lelouch est un type bien moins tordu que l'était Godard.
— Mais pas moins mégalo...
— Tout créateur l'est, à un degré ou un autre...
— Certes... 
— Dire qu'elle a bercé mon enfance…
— La mienne aussi. 
— Ma grand-mère l'adorait.
— Enfants, nous chantions ses chansons à tue-tête en déjeunant devant Midi Première... J'ai encore en mémoire certaines paroles... Cette voix... Tu sais si elle chantait encore ?
— Ces dernières années, elle faisait plutôt la comédienne. Au théâtre, il me semble. Je l'ai un peu perdue de vue. Une chose est sûre, ça nous met un sacré coup de vieux, tous ces gens que l'on a aimés et qui partent les uns après les autres.
— Je ne veux pas imaginer le jour où ce sera le tour de Catherine... 
— ...Ne parle pas de malheur
! Cela dit, sa mère est morte à presque 110 ans!
— Nous voilà comme deux vieux cons à évoquer 
nos morts, les larmes aux yeux...
— C'est vrai que je me sens parfois larguée. Quand il m'arrive de feuilletter un magazine, je suis perdue devant tous ces visages célèbres pour tous, inconnus pour moi.
— Aujourd'hui tout le monde est célèbre.
— N'exagérons rien.
— Jamais. Promis !
Ne pas avoir la télé, ne pas regarder les séries, ne pas écouter les chanteurs et chanteuses d'aujourd'hui, ne pas aller voir les films dont tout le monde parle...
...Moi, ça me va très bien. 
Toi, tu n'aimes rien !
Faux. Disons que la dernière comédie de l'influenceuse qui vend des shampoings à Dubaï ou la vie du rappeur devenu champion de MMA ne m'intéressent que modérément. 
Tu caricatures.
Nos vies sont des caricatures.
— Quand même...
— Je ne t'interdis rien. Tu peux aller voir ce qui te plaît au cinéma. Ou que tu te sens obligée de voir. De même, tu peux lire le dernier Melissa Da Costa ou le prochain Foenkinos si ça te chante —je sais que tu ne le feras pas bien que ce soit certainement intéressant de le faire… Mais je peux, et tu peux également, faire le choix de ne pas le faire. 
On passe à côté de plein de choses... 
— Détrompe-toi. Regardemaintenant que nous avons cet écran généreusement offert par ton frère, nous allons voir un peu plus ce qui passe sur les chaînes regardables. Et emprunter des DVD de films récents à la médiathèque, visionner d'autres films que ton frère nous mettra sur une clé, comme nous l'avons fait l'autre soir avec l'épouvantable Planète des singes.
Tu vois, tu n'aimes rien.
Je te ferai remarquer que je suis resté jusqu'au bout. Ne me dis pas que tu as apprécié cette espèce de jeu vidéo à grand spectacle numérique pour ados attardés... 
Non, je n'ai pas aimé ça, mais j'étais contente de le voir. 
Ça t'a soulagée ? 
De le voir ?... 
Oui. 
Oui, parce que ça fait plus d'un mois que mon frère nous l'a passé... 
Tu avais peur de le froisser si nous ne le regardions pas? Ou que nous passions pour des ringards?
Les deux, je crois. 
Tu as désormais un avis autorisé de spectatrice avisée. Tu dois te sentir libérée. 
— Tu te moques... Par snobisme…
— Pas du tout. D'ailleurs, pas plus tard que lundi, ne sommes-nous pas allés voir en projection de presse, chez l'ami Lelouch, le film de cet acteur qui est partout et dont tout le monde parle ? 
— Le nouveau Luchini…
— Tu trouves ?
— Pas dans le jeu, mais dans le sens où cet acteur est devenu son propre personnage.
— Oui… Et puis, tous deux sont montés sur des ressorts, sont de vrais jacasseurs, voire jaseurs… Mais à la différence de Luchini qui cite de long en large ses auteurs favoris, Quenard, du moins dans son propre film, se cite lui-même, se parodie, se regarde jouer et nous montre tout son registre d'acteur, pas très étendu tout de même si l'on en croit ce film…
— Le film est drôle dans la première partie, et je t'ai entendu rire, et puis ça finit par lasser…
— Tu n'aimes pas le Pérou et ses hommes sans cou ?… Bien sûr que j'ai ri. Mais comme on pouvait rire à un sketch des Nuls…
— C'est à ce genre de références que l'on se rend compte que nous sommes largués…
— Tu m'as compris. La démarche de Quenard est défendable sur la courte durée, elle ne fait pas un long métrage. Son faux faux documentaire est certainement symptomatique du cirque cuculturel actuel, la tyrannie qu'il nous impose. L'éclosion de cet acteur a été tonitruante, on l'a retrouvé partout, à faire le guignol et bavasser sur tous les plateaux, les réseaux, les magazines, il vient même de publier un roman, qui est en rupture de stock, nous disait la libraire l'autre jour… La machine médiatique est impitoyable, elle l'utilisera jusqu'à l'os, il s'y prêtera par narcissisme et goût du fric, jusqu'à en devenir insupportable — tu parlais de lassitude… – alors la machine passera à autre chose, à d'autres influenceurs… 
— Et tu t'apprêtes à épouser une pauvre femme comme moi, soumise à tout ce cirque ?
— Oui, parce que tu ne l'es pas vraiment, et que je t'aime. Et que nous allons, comme dans la chanson, Vivre libre en un marécage...
Ou vivre heureux dans une cage...
— Voilà. Musique !

 

mardi 20 mai 2025

Vague souci

Petros Kotzabasis

 

Le langage s’ouvre comme la mer sous un bateau.
Poésie : vague souci d’un voyage
sans escales dans les cadrans.

Le bateau poursuit sa route.
Seul le voyage est dissout.

Il ne faut jamais relire ce qu’on a écrit,
ne jamais revenir de voyage,
ne jamais prendre le risque de se rencontrer
tel qu’on n’est plus.
Le langage se referme comme la mer après le bateau.

 

 

Franz Bartelt, Décombres,
éd. Le givre de l'éclair, 1997

dimanche 18 mai 2025

Tango pour débutants

René Maltête



mes mots meurent
ma vie
demeurent ma langue sur
ta peau
ta jupe couleur tango
la douceur de mon vit
la chaleur de ma voix
ma langue pour ta joie
mais nos mots mourront
mon amour

charles brun, bonne résistance à la douleur

vendredi 16 mai 2025

A cause des larmes


Nils Jorgensen

 

 

- Le hasard, certainement...
- Tu veux dire que si le hasard n'existait pas on ne se serait pas revu ?
- J'ai rarement entendu pareille ânerie.
- Parce que le hasard n'existe pas ?
- Pas seulement.
- Alors quoi ?
- Oublions le hasard…
- … C'est toi qui as utilisé ce terme.
- Disons que c'est un concours de circonstances.
- Ce n'est pas la même chose ?
- Pas vraiment. Plusieurs facteurs, on va dire, ont été réunis…
- …Ont-ils sonné deux fois ?
- Pas toujours… Toujours est-il que si je n'avais pas raté le bus que j'étais censé prendre…
- Tu te déplaces en bus, désormais ?
- Le bus est un de ces facteurs.Il n'est pas préférable d'entrer dans tous les détails.
- Entendu, revenons à nos moutons.
- La question est : pourquoi ai-je voulu, aujourd'hui même, trouver ce livre et me rendre dans cette boutique ? La peur, certainement.
- La peur ?
- J'ai eu
peur qu'un jour, ce livre qui ne se trouve, selon mes sources et celles de la toile, que dans cette seule librairie, ne s'y trouve plus.
- Moi, j'appelle ça plutôt de la névrose…
- Comme tu voudras. Ne perdons pas le fil. Car si nous allons plus loin, on pourrait même se demander
pourquoi est-ce que je suis tombé, précisément aujourd'hui, sur cette info ? – la disponibilité de ce livre dans cette librairie en particulier.
- Oui, pourquoi ?
- Il n'y a pas de réponse, ça participe au concours.
- Quel concours ?
- Celui des circonstances. Dont nous parlons depuis 10 minutes. D'où cette soif. Tu veux bien commander une nouvelle tournée ?
- C'est quoi, ce livre ?
- Ça n'a aucune importance.
- …C'est le titre ?
- Non. Je voulais dire que le livre, quel que soit son titre, n'a aucune importance pour notre conversation. C'est l'un des facteurs, mais il y en a d'autres. En fait, le livre présent, comme tu le sais, dans une seule librairie, n'existait pas.
- Quoi ?!
- C'était un stock faux. Dû à la gestion de la base de données ? A celle des libraires
? Ils n'ont pas été foutus de remettre la main dessus! Tous les employés de la boutique s'y sont pourtant employé. Bref, grâce à moi, ils savent désormais qu'ils n'ont pas en stock ce livre qu'ils ignoraient avoir, voire même dont ils ignoraient, pour certains, l'existence.
- Tout ça pour ça ? Un livre introuvable, que personne ne connaît, pas même des libraires professionnels…
- C'est une des circonstances du concours qui nous a permis de nous croiser. Le livre, les libraires incompétents, le stock faux, le bus raté, ma décision de regagner à pied la gare du RER, mon passage sous les fenêtres de ta boîte – je ne savais même pas que tu travaillais dans ce quartier –, ta sortie du bureau au même moment, et d'autres détails encore, que je préfère oublier…
- Le monde est complexe...
- Et ennuyeux.
- L'autre jour, j'ai entendu une émission sur le déclin cognitif. Avec l'âge. C'est irrémédiable.
- Qu'est-ce que
cette histoire vient faire ici ?
- J'y viens.
- Vite, s'il te plaît. J'ai perdu l'habitude des cafés, de la bière, du bruit, des autres…, j'ai la tête qui tourne...
- Justement. Plus on socialise,
plus le déclin se fait lentement. Surtout si notre socialisation est de qualité. Les gens comme toi qui aiment la solitude, qui s'y enferment, s'y complaisent, sont mal barrés: leur déclin cognitif est bien plus rapide.
- Si tu m'avais dit tout cela d'emblée, dès que nous nous sommes croisés, je ne me serais pas arrêté,
je serais illico allé chercher quelque compagnie de qualité, au lieu de replonger dans notre viduité habituelle. Tu sais, la solitude n'est pas un problème que l'on peut régler seul. Ni même à deux.
- A plusieurs, il serait résolu, le problème ?
- Je ne sais pas. Je pense qu'à partir d'un certain âge, ça se corse. Les gens disparaissent, sous une forme ou une autre. On s'isole naturellement. Le déclin cognif, personne n'y échappe.
Toi, par exemple, as-tu l'impression d'être aussi stupide que quand tu étais jeune ? Tu t'es amélioré ? Ça stagne ou c'est pareil ?
- Aucune idée. Je ne me suis jamais posé la question. Et toi ?
- J'ai l'impression permanente d'être particulièrement stupide, mais que ce n'était pas mieux avant. Peut-être existait-il alors une certaine légèreté qui me permettait de ne pas en être conscient. Quoi que… C'est drôle, ces dernières deux nuits, j'ai rêvé de mon premier amour. Je veux dire, la fille avec qui, comment dire ?…
- …Avec qui tu as baisé pour la première fois ?
- Je cherchais une formule correspondant davantage à ma bêtise de l'époque. Mais ça revient au même.
- Vous faisiez quoi ?
-
Je ne m'en souviens plus exactement. Nous nous retrouvions 30 ans plus tard. En réalité, 40, mais en songe, j'avais dix ans de moins. Je crois me souvenir que, malgré notre plaisir de nous revoir, nous nous apercevions que nous n'avions rien à faire ensemble et que les regrets n'avaient pas lieu d'être.
- Tu analyses ça comment ?
- A cause des larmes. Avec l'âge…
- Quelles larmes ?
- Tu vas rire : le jour du premier rêve, j'ai entendu, par hasard, ou par un concours de circonstances, la chanson d'Aznavour, La Bohème. Le réfugié suisse ne figure pas dans mon panthéon de la chanson française, comme on dit. Et cette chanson, je l'ai entendue 185 fois. Mais, va savoir pourquoi, ce jour-là, lorsque ce pauvre Charles chante La bohème, ça voulait dire on a vingt ans, et surtout Quand au hasard des jours/Je m'en vais faire un tour/A mon ancienne adresse/Je ne reconnais plus/Ni les murs ni les rues/Qui ont vu ma jeunesse… Les larmes prennent soudain d'assaut mes yeux. J'ai repensé à cette photo, à des gamins l'air ahuri et bienheureux croisés dans la journée, à un poème de Raymond Carver, à un autre de Johannes Kühn, à ce que nous étions, dont j'ai parfois honte et bête nostalgie. Pardon, j'ai trop bu. Je n'en ai plus l'habitude. Tout ça à cause d'un bouquin…
- Un bouquin dont on ne saura rien…
- Une connerie.
- Allez, je tente. Au hasard : de la poésie…

 

mercredi 7 mai 2025

Promesse d'allégresse

Philippe Pache


 

QUAND tu rompras le pain de la tristesse,
quand tu boiras des épis
dans la grâce de l’air,
quand la rivière la plus claire
me demandera une aumône d’arbre rouge
et sœur la pluie se transformera en garçonnet
et le garçonnet en une tapageuse écume,
le clown du monde auquel tu rêves maintenant
nous offrira son allégresse.

 

 

Francisco Salgueiro, Seul avec mes mots,
trad. Ramón Romero-Naval, ed. Al Manar, 2025

lundi 5 mai 2025

Au milieu des carafes


Katerina Kaloudi


 

On se délabre assez
lentement dans la cuisine.
Le monde (ses bruits de bagnoles et d'oiseaux)
finit de nous
percer
la membrane.

On rive
son enfance à la chaise la
moins stable et on
se laisse
rouiller, tranquille
au milieu des carafes.

On n'entend plus
que la poussière.
L'espoir a dilapidé
le matin.
La joie
est jaune.

 

Victor Rassov, Morosités,
ed. Le Cadran ligné, 2025, 14€

vendredi 2 mai 2025

Perfection du silence


Mar Astiárraga

 

 

La rouille s'est posée sur ma langue comme la saveur
d'une disparition.

L'oubli est entré dans ma langue et je n'ai eu d'autre
conduite que l'oubli,

et je n'ai accepté d'autre valeur que l'impossibilité.

Comme un bateau calcifié dans un pays d'où la mer s'est retirée,

j'ai écouté la reddition de mes os s'établissant dans
le repos ;

j'ai écouté la fuite des insectes, la rétraction de
l'ombre pénétrant ce qui restait de moi
;

j'ai écouté jusqu'à ce que la vérité eût cessé d'exister
dans l'espace et dans mon esprit,

et je n'ai pu endurer la perfection du silence.

 

 

Antonio Gamoneda, Description du mensonge,
trad. Jacques Ancet, ed. José Corti, 2004

jeudi 24 avril 2025

Les ivrognes et moi


Ara Güler



C'est à moi,
qui ne suis pas mineur
comme mon père
et ne porte pas le labeur du jour
sur mes épaules,
qu'au village on donne tort,
et les ivrognes bredouillants de l'auberge gueulent
et dégueulent leurs reproches : Quoi, des vers !
Un seul ne suffit pas,
et cent, tressés ensemble, ne feraient pas une corde capable
seulement d'attacher une poule.
A quoi bon, le beau rythme d'une phrase digne de tes maîtres,
et qui veut du vers boiteux que tu débites,
pauvre fou, bois de la bière,
qu'elle t'humecte la lèvre et te vale une femme dans ton lit,
et que des enfants soient le fruit du rythme de tes reins,
nous en avons cinq ou sept, on est des hommes,
bougre d'âne
!

Quoi : un pommier en fleurs!
Se pâmer devant et en dégoiser
!
Toi qui ne possèdes pas un brin d'herbe,
pas une branche de noisetier.
Quasi obligé de glaner quelques pauvres noix,
l'automne venu. Fainéant
!

Pour se torcher le cul
sur lequel tu écris,
ferait mieux l'affaire.
Quand, aux frais de la commune,
ton cadavre ira au cimetière
on ne s'époumenera plus
à prononcer ton nom
!

Ô seigneur, je suis pauvre.
Les ivrognes disent la vérité,
car elle n'est pas seulement dans le vin,
mais aussi dans sa sœur,
la bière,
en plus dure.
Les psalmistes aussi écrivaient des vers
et ne semaient pas de graine,
aïe pitié.

 

Johannes Kühn, Moi qui ne possède rien... célébrant le papillon,
trad. Joël Vincent,
éd. Ressouvenances, 2025

samedi 19 avril 2025

Après l'amour


Stephen Uhraney

 

 

l'air pénétré
comme à l'église
elle lisait une enquête de sam spade
en m'attendant
je suis resté un temps
à l'observer
derrière la vitre
sans oser entrer
nos dix années d'écart
son sérieux m'impressionnaient
je ne connaissais rien à hammett
ni aux polars
ni aux filles
mais comme elle
certainement
et comme tous les caniches
je croyais
chercher l'amour
dans les films
apprendre à se tenir
dans les livres
je pensais encore
qu'un mot jeté au hasard
pouvait détruire l'univers
une phrase juste vous sauver la vie

je n'ai pas eu le temps de m'asseoir
Tu habites loin ?
En face
j'aurais aimé prendre un verre
acheter le courage
mais déjà
triomphante
une bouffée d'iris sauvage se dirigeait
vers la sortie

j'avais de quoi préparer une salade
Arrête tes histoires
Je préfère avaler autre chose
souffla-t-elle
en filant dans la salle de bains
pas le temps de penser
mettre un peu de musique
danser enlacés
elle était déjà allongée
sur le ventre
et m'offrait ses fesses
légèrement remontées
une intro sans préface
sans sentiments
à la hussarde
professionnelle
j'avais tout juste vingt ans
l'heure où l'on regrette
d'avoir manqué l'école
comme son ami jacques
qu'elle se mit à chantonner
après l'amour




charles brun, détruire l'univers, mode d'emploi



jeudi 17 avril 2025

Un lion affamé


Frank Eugene

 

 

L'amour est un lion affamé
qui mange
un cerf.

L'amour est un agneau blanc
qui dans la douce pluie du printemps
broute l'herbe tendre.

L'amour est un fichu poète
qui écrit « L'amour est… »
et qui sait pertinemment
que l'amour est,
et qu'il n'y a pas grand-chose
à en dire
qui n'a
été dit auparavant
par
quelqu'un d'autre.

Mais, ça ne l'empêche pas d'écrire
« L'amour est… »
 


Richard Brautigan, Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus,
ed. bilingue, trad. Thierry Beauchamp, Romain Rabier, Points

mercredi 16 avril 2025

Des mouches

Sergio Larraín


 

 

J'insiste sur le fait qu'il n'y a pas de poètes, ce qu'il y a ce sont de simples vecteurs de poésie.
Au cours d'un été à quarante-quatre degrés, dans un village de Santiago del Estero, je me suis rappelé ceux qui se disent poètes en observant un robinet à sec avec des mouches tout autour qui auraient tout donné pour une goutte d'eau. C'est comme ça, les soi-disant poètes se disputent les robinets, mais l'eau ne leur appartient pas… ni la terre, ni l'air, ni rien. Il faut se contenter des mots et rien d'autre !

 

Extrait de la postface avec dettes de l'obscur Argentin Ricardo Zelarayán à son recueil, l'un des rares, L'Obsession de l'espace (1972), enfin traduit en français, en l'occurrence par Solange Gil et Antonio Werli. C'est à paraître sous peu aux éditions du Dilettante, 18 euros. On y reviendra.

mercredi 9 avril 2025

Le dimanche matin



 

Ce serait drôle, non,
si Le Doigt nous avait conçus
pour ne chier qu'une fois par semaine ?

toute la semaine on grossirait de plus
en plus et puis le dimanche matin
pendant que tout le monde est à l'église

                                                                            plouf !

 



Frank O'Hara, Poèmes déjeuner,
trad. Olivier Brossard, Ron Padgett, ed. Joca seria

lundi 7 avril 2025

Le sourire de nos poètes


Dominique Berretty

 


A quoi nos poètes sourient-ils
?
Il n’y a rien de drôle dans notre tribu.
Beaucoup gisent assassinés dans les ravins.
Nos femmes et nos enfants ont faim et vont pieds nus.
Des maladies inconnues nous fauchent.
Pas de nouveaux villages construits et il va bientôt neiger.
Malgré tout cela le sourire ne s’efface pas du visage de nos poètes.
Comme si envisager la peine leur faisait une joie secrète, irrationnelle.
Quand on leur demande ce qui est drôle ils ne disent mot, font la moue,
Et font la même chose quand on leur demande de nous remonter le moral en ces jours sombres.
Ils gardent la raison de leur sourire pour leur seul plaisir à eux
Nous leur faisons de moins en moins confiance, apportons de moins en moins de foi à leurs rares paroles.
Le sourire de nos poètes est vraiment mystérieux en ces temps de misère.
Ont-ils perdu la tête ? Raillent-ils notre misère commune
?
Leur sourire est parfois d’un plus cruel tranchant que les armes de nos ennemis.
Mais ils font erreur s’ils pensent qu’ils vont nous tromper.
Nous ne les tuerons que lorsque nous leur aurons extorqué leur secret
Nous ne laissons en vie que les plus grands bavards, aux visages sérieux, qui nous ressemblent.

 

Aleš Šteger,  Au-delà du ciel sous la terre,
trad. Guillaume Métayer, Gallimard

samedi 5 avril 2025

Tout l'or du monde

 

Arthur Tress

 

 

Les enfants aiment y fouiller en quête de signes.
Les princesses provençales s'en faisaient
Des compresses d'éternelle jeunesse.
On l'épand dans les champs au printemps et les blés poussent.

Dans l'âpre douleur, tu te retournes, heureux.
Mais ce n'est pas de la merde que tu vois, qui t'observe.
C'est ton âme boueuse qui a rampé hors de toi.
Ton seul véritable enfant. Tombé hors de toi.

Sans ton âme tu n'es qu'un moule sans valeur.
C'est pourquoi tu la perds et la crées. Tu perds et tu crées.
Tu n'échangerais pas ta merde pour tout l'or du monde.
Tu n'échangerais ta merde que pour l'amour.

 

 

Aleš Šteger, Le livre des choses,
trad. Guillaume Métayer, ed. Circé, 2017

 

mercredi 2 avril 2025

Epitaphe

Miron Zownir

 

Lorsque je serai mort, avec de la poussière
sur les buis
— et les chiens joueront avec les enfants,
personne n'est en faute
le soleil
luira dans l'étang pour se délasser,
au matin sur les plates-bandes une buée perle ;
emmêlé avec les plantes je croîtrai parmi elles,
éparpillé avec les graines, délivré.

Tout sera en ordre, ni plus ni moins. La nature
brouille les pistes, poursuit ses jeux, elle rit.
Bienveillante avec d'autres, il le faut croire,
jusqu'à les lâcher quand il lui plaît.
Mais quel tremblement dans vos voix sera-t-il demeuré,
de ma voix qui avait parlé pour vous
?

 

André Frénaud, in Il n'y a pas de paradis, Poésie/Gallimard

jeudi 27 mars 2025

Abandonnée au paradis



 

is it because i'm black ?
soulait délicieusement ken boothe
éclipsant avec élégance syl johnson

que laura de toute manière
ignorait
il pardonnait toutes ses lacunes
supposées
en la matière
comme dans d'autres
lorsqu'il pensait à
ses fesses
sans nul doute
les plus belles
baisées par ses mains
ses airs d'actrice hollywoodienne
des années cinquante
la femme fatale
de ces films en noir et blanc
avec détective alcoolique
vous dissuadait de vous attacher
à elle
un nom lui revenait en tête
lorsque ces années mortes
défilaient entre la grande avenue
des remords
et le boulevard de la capitulation
gene tierney
pas moyen de retrouver le titre d'un de ses films
ou son réalisateur
sternberg ?
preminger ?
parker ?
désormais toutes ces séances
dans le noir se confondaient
l'absence est mon destin
se dit-il
oubliant qu'un autre l'avait écrit
rafistoler tant de verbiage
entre deux ou trois maisons
n'avait plus de sens
leave laura to heaven

charles brun, darker than blue



lundi 24 mars 2025

Mineur

Tony Ray-Jones

 

 

Le destin c'est l'oubli.
J'y suis arrivé avant.
Jorge Luis Borges « Le poète mineur »


 

Quelquefois on lui a dit
sur un ton de haine policée
qu'il est/qu'il a toujours été
un poète mineur

et soudain il a remarqué
qu'il était à l'aise
dans cette catégorie

quand on vieillit
il est franchement gratifiant
d'être un poète mineur

quand il lit et relit
ces poètes majeurs
et qu'il parle avec eux
non d'égal à égal
mais entre inégaux

il assume sans affront
la distance cordiale
la distance sidérale
qui existe entre lui et eux

 

 

Mario Benedetti, in Anthologie poétique,
édition bilingue, trad. Omar Emilio Spósito
Le temps des cerises/Reflet de lettres, 2024

samedi 22 mars 2025

¡ Ojalá !

Josef Koudelka



Intriguée par l'identité du mystérieux poète Charles Brun, moult fois publié ici — il va d'ailleurs falloir que ça cesse —, une amie, égarée régulière, s'est lancée dans une recherche via l'intelligence artificielle. Le résultat l'a quelque peu déroutée. Elle demande, légitimement, pense-t-elle, mon avis. Or, voici le résultat:

 

Charles Brun, connu sous le pseudonyme de Raoul Toscan, était un journaliste, poète et artiste. Il a également été professeur d'arts plastiques et conservateur à la Bibliothèque de Nevers. Ses recueils poétiques ont été publiés en 1913, 1916 et 1923. Il a également fondé la revue Le Coq après ses études en arts.

 

La bafouille s'interrompt ainsi, brusquement, non sans se justifier en mentionnant une référence, un lien vers l'université Paris-Nanterre et une rubrique consacrée aux poètes de la Grande guerre. Une notice concerne en effet ce Charles Brun, dit Raoul Toscan:

 

Toscan Raoul
État civil
: Charles André Brun
Naissance
: 30/09/1884 à Buenos Aires (Argentine)
Décès
: 19/12/2019 à Nevers
Nationalité
: française
Activité : journaliste
Statut
: engagement spécial malgré reforme ou exemption.
Engagé spécial en qualité de secrétaire. Fait la campagne à l’intérieur.
Matricule
: 1151 (Classe: 1904)
Mobilisé à Cosne

Présentation
Journaliste, poète et artiste, puis professeur d’arts plastiques et conservateur à la Bibliothèque de Nevers, Charles Brun, connu sous le pseudonyme de Raoul Toscan, fait la guerre en tant que secrétaire dans le dépôt du 85e RI malgré sa réforme pour bronchite chronique en 1905, maintenue en 1914. Il obtient son engagement spécial en novembre 1916 mais est classe à nouveau dans le service auxiliaire en mars 1917 à cause de sommets cicatrisés et de l’ablation d’un testicule. Il retourne au dépôt du 85e en mai 1917 et passe au 13e RI, mais tomba malade à nouveau en septembre et passa un mois de convalescence à l’hôpital de Nevers.
Après ses études en arts, il s’installa à Nevers, où il fonda la revue Le Coq. Ses recueils poétiques paraissent en 1913, 1916 (avant son engagement) et 1923. Il ne laissa pas d’oeuvre de guerre, mais après la guerre il devient instituteur et journaliste.

 

On le voit, si l'IA est limitée — du moins celle ici utilisée —, les universitaires amateurs de poésie quant à eux prêtent aux poètes des vies exceptionnelles : ce Charles André Brun serait ainsi mort à 135 ans —avec une couille en moins... Si, sur cette page, nous cliquons sur le lien qui nous conduit au site de la BNF, nous apprenons que le dit Raoul a clamsé avant l'âge de la retraite — fixé à l'époque, 1946, à 65 anstoujours, sans doute, avec une couille en moins. Pas de retraite pour les poètes!
Notre Charles Brun à nous, aux dernières nouvelles, mais je peux me tromper, est encore vivant et semi-actif. Et, à ma connaissance, possède encore ses deux couilles. Sera-t-il un jour un paisible retraité? On peut en douter, mais c'est une autre histoire. En revanche, le vrai point commun entre ces deux Charles Brun, c'est leur côté métèque hispanique. Mais, à ma connaissance, Brun n'est pas un patronyme très hispanophone. S'agirait-il encore d'un pseudo ? Un nom d'emprunt ? Une francisation ? Une IA occulte ? Allez savoir... 

Je me souviens, ça me revient maintenant, d'une autre recherche sur le même sujet effectué par un autre ami, avec une autre IA. Elle est plus complète et concerne bien notre Charles Brun. La voici:

 

Charles Brun est un poète contemporain dont plusieurs textes ont été publiés sur le blog Nos Consolations. Son style se caractérise par une écriture à la fois sobre et profonde, où les mots sont choisis avec soin pour exprimer des émotions et des réflexions intimes.

Thèmes de prédilection
Les poèmes de Charles Brun abordent des thèmes variés, tels que l'amour, la perte, le temps qui passe, la nature ou encore la spiritualité. Il explore ces sujets avec une sensibilité à fleur de peau, sans jamais tomber dans le pathos ou la mièvrerie.

Forme et musicalité
Sur le plan de la forme, Charles Brun privilégie souvent les vers libres, ce qui lui permet de moduler le rythme et la musicalité de ses poèmes en fonction des émotions qu'il souhaite transmettre. Il joue avec les sonorités, les assonances et les allitérations pour créer une atmosphère particulière à chaque poème.

Images et symboles
L'univers poétique de Charles Brun est riche en images et en symboles, qu'il utilise pour exprimer ses idées de manière subtile et poétique. Il fait appel à des éléments de la nature, des objets du quotidien ou encore des références culturelles pour créer un langage poétique personnel et original.

Intemporalité et universalité
Bien que ses poèmes soient souvent ancrés dans son expérience personnelle, Charles Brun parvient à toucher à des thèmes universels qui parlent à tous les lecteurs. Ses textes résonnent avec nos propres émotions et expériences, ce qui leur confère une dimension intemporelle.

En résumé, le style de Charles Brun se caractérise par :
- Sobriété et profondeur : une écriture精炼 et précise, qui va à l'essentiel.
- Sensibilité et émotion : une capacité à transmettre des émotions sincères et authentiques.
- Musicalité et rythme : un travail sur les sonorités et les rythmes pour créer une atmosphère particulière.
- Images et symboles : un langage poétique riche et original.
- Universalité : des thèmes qui parlent à tous les lecteurs, quelle que soit leur expérience.

Si vous souhaitez découvrir l'univers poétique de Charles Brun, je vous invite à vous rendre sur le blog Nos Consolations où vous pourrez lire certains de se

Oui, cette fiche de renseignements se terminait ainsi — du moins, le texte copié-collé par l'ami en question. J'imagine que c'est simplement un loupé informatique. Tout comme ces inopinés idéogrammes asiatiques. Mais je comprends pourquoi j'avais oublié cet envoi. Autant de poncifs et de qualificatifs interchangeables laissent rêveur. On pense à ces textes composés par les cabinets de conseil, leurs éléments de langage tant chéris par nos dirigeants… Je n'en avais rien dit à notre Charles Brun, c'est maintenant chose faite avec ce billet. Un bon moyen peut-être pour ne plus être submergé par ses textes ? ¡Ojalá !, comme disent les hispaniques…

vendredi 21 mars 2025

Bazar de la nuit

Vitaliano Bassetti

 

arrête mon diamant
ma douleur
oublie enfin l'hiver
replonge dans la lumière
souviens-toi de ce beau matin de pluie
la lueur de la première heure
c'est elle
elle nous revient
lâche la rampe la bride la vapeur
si tu y tiens
retrouvons-nous au bazar
de la nuit
allez viens
tu auras toujours ta place vi-aïe-pi
au rayon insomnies
allez viens ma vie
dans mon lit

 

charles brun, chansons et violons pour tous


jeudi 13 mars 2025

Parlez-moi d'amour


Michael Bidner

 

nous avons eu des mots
ce n'est pas si mal
tout le monde ne peut pas
en dire autant
après tout
je vais je ne sais où
avec sa voix
la pluie glaciale
les rues mal éclairées
un clodo allumé
me cueillent à découvert
la vue est mal faite
nuit sans lune
la carotte
guide mes pas

à l'ancien zinc enfumé
clandé
je me fais une place
pardon
nos mots me reviennent
elle
voulait
que je lui parle d'amour
je commande sans sommation
passe un sauvignon
un deuxième et un troisième
glissent
encore facile
ça persiste
dit le gars gluant
à mes côtés
je sais pas si je bois
parce que je coule
ou si je coule
parce que je brois
du noir
je mourrai sans le savoir
je voudrais lui remonter
le féliciter
le moral
une tape
il croise mes hésitations
garçon 
pour monsieur un autre sauvignon
je pense pas question pauvre con
entre nous pas de façon
je dis c'est pas de refus
il demande un torchon

encore trempé
je le laisse me sécher
m'essuyer pas gêné
je veux lui en coller une
son nom c'est riton
soixante huit piges
seul mal en point pas du quartier
on se connaît pas arrêtez
cafardeux endetté
me crible d'autres mots
poisseux
que je dribble en pleine surface
d'un crochet du gauche
sonné il reste sur place
je remets presque un droit
ça se bouscule derrière
se généralise
qui défend qui
on ne sait

la vie est bien faite
pauvre con
au trou pour la nuit
sans sommation
le temps de gommer le gris
parmi cafards et souris
presque au chaud
j'en oublie nos mots
ce n'est pas si mal
tout le monde ne peut pas
en rire autant


charles brun, farces et retapes, vol. 3