mercredi 16 décembre 2020

L'histoire d'un nom


En 1982, la presse française annonce le même jour le décès de Philip K. Dick et la disparition de Perec (sans accent aigu). Ce dernier, tiens, en 1976, notait dans sa Tentative de description d'un programme de travail pour les années à venir, en huitième point (sur dix-neuf), l'idée d'un roman de science-fiction dans lequel les lettres de l'alphabet remplaceraient le travail et l'argent, la vie étant ainsi transformée en une interminable partie de scrabble... Pour Jacques Barbaut (avec un t) qui suppose que toute écriture est l'histoire d'un nom, la littérature est un terrain de jeu on l'aura compris pas seulement de mots mais aussi donc de noms. Son traité d'onomastique amusante, C'est du propre (c'est le titre), nous en donne, du coq à l'âne et jusqu'au vertige, la preuve. Le poète et correcteur (et blogueur), malicieux comme il se doit, pour ne pas être barbant, obsessionnel comme il se le doit, a inventorié ou inventé passages de textes, biographies, confidences, poèmes, collages, calligrammes, etc. Sont passés en revue Flaubert, Modiano, Montaigne, Molière, Guyotat, Novarina, Kerouac, Céline, Vallès, Gary, Bove, Zorn (qui ne se nommait pas Zorn, qui signifie colère, mais Angst, qui signifie angoisse) et d'autres dont, bien entendu, Apollinaire et ce troublant événement à nous ici remémoré: le 9 novembre 1918, jour de l'abdication de l'empereur Guillaume II, la foule scande «A bas Guillaume!» sous les fenêtres du 202, boulevard Saint-Germain sans savoir que Wilhelm Albert Wlodzimierz Apolinary de Waz-Kostrowicki y agonise de la fièvre espagnole qui ne l'était pas puisque importée de Canton par des soldats américains. Naturalisé depuis peu, le poète qui ne connaîtra pas la paix sera comme on le sait déclaré «mort pour la France»
Citons également cette note du Belge Michaux, dont le prénom est, barbote l'auteur, si on lui enlève son H, une anagramme de rien.

 

1924, Paris
Il écrit, mais toujours partagé.
N'arrive pas à trouver un pseudonyme qui l'englobe, lui, ses tendances et ses virtualités.
Il continue à signer de son nom vulgaire, qu'il déteste, dont il a honte, pareil à une étiquette qui porterait la mention
«qualité inférieure». Peut-être le garde-t-il par fidélité au mécontentement et à l'insatisfaction. Il ne produira donc jamais dans la fierté, mais traînant toujours ce boulet qui se placera à la fin de chaque œuvre, le préservant ainsi du sentiment même réduit de triomphe et d'accomplissement. 

 

Henri Michaux,
Quelques renseignements sur cinquante-neuf années d'existence

in Jacques Barbaut, C'est du propre, éd. Nous, 2020

4 commentaires:

  1. Pour rétablir d’un poil l’équilibre (il me fout le vertige, cet Hans Prignitz marchant sur une seule main et sous la pluie au sommet d’une église de Hamburg), sont citées, évoquées, aussi, entre autres : Sagan, Duras, Yourcenar, Cixous…

    Merci infiniment, cher consolateur.

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    1. Cher monsieuye, l'équilibre, la parité disent certains, est une illusion, comme vous le savez, et ici plus qu'ailleurs...

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  2. Patronyme, soit « nom du père », oblige ?...

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