samedi 22 août 2020

L'avalanche

Audouin Desforges

Enfin la rentrée littéraire se pointe. Les librairies ont rouvert depuis un moment, mais n'avaient pas grand-chose à se mettre sous la dent, tout va désormais aller mieux. L'avalanche arrive. En tête de gondole, l'incontournable Emmanuel Carrère qui nous livre, nous dit-on, son journal de la dépression, intitulé, génialement selon le canard de Patrick Drahi, Yoga. Mal réveillé, je clique pour en savoir un peu plus sur le site de son éditeur, POL, et me retrouve là. 


Je rectifie ma grossière erreur d'insomniaque mal luné et obtiens ce résumé : « C’est l’histoire d’un livre sur le yoga et la dépression. La méditation et le terrorisme. L’aspiration à l’unité et le trouble bipolaire. Des choses qui n’ont pas l’air d’aller ensemble, et pourtant : elles vont ensemble. » Bon. Finalement, le doute m'assaille, la dépression s'éveille. Faut-il que je revienne aux 626 962 offres d'emploi annoncées sur le premier site ou que je feuillette Yoga en ligne, une tasse de Yogi Tea à la main ? 
Chez le même éditeur, l'autre star, c'est Jean Rolin qui, lui, nous livre un nouveau journal de voyage pittoresque. Le Pont de Bezons nous entraîne sur les berges de la Seine, entre Melun et Mantes, pour « une petite odyssée sur les berges du fleuve, au cœur de banlieues bousculées, parcourant des espaces fracassés, des friches et des zones industrielles… » 
J'ai bien peur que ces deux mastodontes de notre belle littérature éclipsent les quelques 500 autres fictions que les éditeurs nous promettent pour cette rentrée (dont 65 premiers romans). L'industrie culturelle ne connaît pas vraiment la crise, quoi qu'on en dise, mais, semble-t-il, s'emmêle quelque peu les pinceaux. Selon ActuaLitté, les chiffres avancés ne sont pas les bons. La baisse de la production annoncée cette année n'existerait que par la baisse du professionnalisme de la majorité des journalistes. Nicolas Gary, enquêteur du média cité, recense, entre le 1er août et le 31 octobre, pour ratisser large, dit-il, au moins 980 romans de littérature blanche (hors genres). Il entre ensuite dans le détail des mathématiques et je me perds, toujours fâché avec les chiffres… Sur le même site, je clique plus volontiers sur l'entretien-portrait avec Virginie Grimaldi.

A ceux qui, comme moi, ne connaissent pas cette autre vedette, princesse du Feel Good Book, son éditeur nous prend par la main en imprimant un bandeau inamovible sur la couverture de son dernier ouvrage, accompagné d'une photo de la dame : La romancière française la plus lue en 2019. De quoi, avouons-le, nous inspirer le respect. Celle qui, pour le titre de ses bouquins, peut s'inspirer d'Etienne Daho ou d'Apollinaire a cette fois pompé Bashung-Fauque pour nous proposer l’histoire de Lili, maman d’une petite fille née prématurée, et, « en face », celle d'Élise, qui va avoir cinquante ans, dont les enfants quittent le nid… « À travers ces deux femmes, j’avais envie de parler des instants charnières dans la vie de beaucoup de femmes, de parents : le moment où l’on donne naissance aux enfants et celui où ils quittent la maison… » Original. Virginie est formelle : « La littérature fait du bien en général (…) J’aime que le quotidien soit léger, rieur et doux », avant de déplorer cependant une agressivité grandissante dans notre société. Vive donc la littérature et à bas les racailles !
Je sens que je vais me régaler avec cette rentrée. Car seront au rendez-vous nos amis Camille Laurens, Mathias Enard, Véronique Olmi, Grégoire Delacourt, Amélie Nothomb, Jean-Philippe Toussaint, Isabelle Carré, les Enthoven père et fils, Laurent Mauvignier, François Bégaudeau, Sarah Chiche ou encore Eric Reinhardt. On ne sait où donner de la tête et de l'euro. Je vais vite faire le plein en perspective du nouveau confinement. Nous avons ici la chance inouïe, que bien des pays nous envient, d'avoir une littérature à ce point vivante et foisonnante qu'il serait criminel de s'en priver et de ne pas en jouir. 
Côté essais, ça pullule et contagie aussi. Avec tout un tas de réflexions sur ce virus inédit qui nous hante depuis des mois et ne veut nous lâcher ni baskets ni poumons. Pêle-mêle : Tempête parfaite, Chronique d’une pandémie annoncée, du microbiologiste Philippe Sansonetti, La Vague, du pédiatre Renaud Piarroux, Signaux d’alerte, de Frédéric Keck, Ce qui vient… demain, de Stéphane Paoli ou encore Dessine-moi un pangolin, L’après-crise, signé par un collectif d'auteurs et Un trop humain virus, du philosophe Jean-Luc Nancy. Il fallait bien ça.
Allez, je file, c'est l'heure de l'ouverture des boutiques à bouquins.


2 commentaires:

  1. Il y a un astérisque derrière "La romancière .... en 2019" qui doit préciser "à Monaco"

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    1. Tout s'explique, cher Luc ! Merci pour cette révélation ! Je vais ouvrir une bouteille… et porter un toast à la famille princière du rocher, au roi d'Espagne et à nos grands auteurs !

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