vendredi 7 août 2020

A vue d'œil


Alfred Eisenstaedt

je décline toute responsabilité
vos invitations et mon identité
à vue d'œil
mon nom est charles brun
mais vous pouvez m'appeler
à toute heure de la nuit
inapte au sommeil
au cœur de votre clarté
toujours debout
je reconnais avoir joué 
ma vie à pile ou face pour
le sourire de la première ou
deuxième venue dont j'ignorais
encore le nom
mais devinais l'adresse
qui me scrutait
jaugeant mes valises
murmurait pourquoi pas
m'accordant à peine trois points
de suspicion
l'âge
l'odeur
l'ardeur
oui joué ma vie
mauvais tricheur
sans masque ni maquillage

pas subtil pour un sou
j'ai perdu la face
pour des danseuses
assez mégères
artistes peingres hyper réalistes
avocates de leur cause
attachées et barrées
je décline sans remède
à vue d'œil
le clan veut ma dépouille et l'ennui
je fais comme si
comme ça
courant l'air de rien
gonflé de vanité feinte
le regard égarré
abonné aux coudes sur le faux zinc
avec l'autre zouave
insuffisamment suffisant
garçon la même
celle de toute la vie
les mots du jour troussés
en ridicule
ceux du soir hurlés
dans vos mouroirs
réfléchissant
je ne garde aucun souvenir
et n'oublie rien
debout encore
j'attends que la vengeance refroidisse
pour m'asseoir
sur vos principes
vos bonnes manières
votre bon goût
vos grands mets et vins

cette morale à deux balles
cette vie qui pue la mort
santé !



Charles Brun, du pain, du vin, des oursins



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