vendredi 6 mars 2020

Fou plutôt qu'à genoux !




Duane Michals
          



Unique
est le coup de dés
Gagnant 
Créateur

Il faut s'arrêter à mi-chemin
Pour prélever
ce qui N'EST PAS

Quant à l'autre coup de dés
Il ramollit le hasard

Peu avant sa mort, Paul Valet acceptait de participer à un Cahier des précieuses éditions Le Temps qu'il fait, portant le numéro cinq. Guy Benoît, à l'initiative de la publication, s'entretenait longuement à cette occasion avec l'Ermite de Vitry, comme l'appelait Cioran. Un document rare. Valet se prêtait au je, revenait sur son enfance russe, la révolution, l'exil, la Résistance, son métier de médecin, la spiritualité, la folie et livrait également quelques poèmes inédits. D'autres textes, signés Andrée Chedid ou Pierre Drachline, une lettre de Jean Dubuffet, le fameux éloge de Cioran spécialement écrit pour ce numéro, et un autre entretien, mené par Madeleine Chapsal pour L'Express, une traduction de Joseph Brodsky par Valet, des photos, des croquis..., complètent ce numéro indispensable et encore disponible chez l'éditeur girondin à un prix dérisoire. 

Extrait du premier entretien, intitulé La poésie et rien d'autre, mais qui aurait pu trouver son titre dans les mots de Valet qui concluent le texte lorsqu'il évoque cet épisode où des camarades de la Résistance avaient proposé au poète de solliciter la Légion d'honneur à titre militaire : Etre fou, plutôt qu'à genoux !
Il faut faire la distinction entre le littérateur et le poète. Là, il y a deux poids, deux mesures. L'homme de lettres, qu'il soit ancien ou moderne, est impliqué dans les rouages de ce monde, beaucoup plus que le poète. Il décrit des personnages existant dans ce monde et il se met à leur place, il met beaucoup de lui-même dans leur esprit, leur conduite. Ce n'est pas une similitude fatale, elle peut être moyenne, grande ou petite, bref, il n'y a pas de limites à cette similitude. Quant au poète, il vit à la fois dans ce monde et hors de ce monde. Voilà la différence. Un littérateur comme Paul Valéry — je peux me tromper mais je vois Paul Valéry plutôt comme littérateur que comme poète — cherche, au moyen de la pensée, à expliquer sa nature et la nature du monde. Lorsqu'un poète s'intéresse au progrès de ce monde ou à son déclin, c'est en tant que civil. Entre le civil et le poète, il y a un abîme ! Les rapports du poète avec le monde sont ambigus, obscurs. 

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