vendredi 28 février 2020

L'enracinement suprême

Tony Ray-Jones

L'imbécile fonde son existence seulement sur ce qui est. Il n'a pas découvert le possible, cette fenêtre sur le Rien...
L’imbécillité est l’enracinement suprême, inné, une indistinction d’avec la nature et qui tire sa gloire des dangers qu’elle ignore. Car nul n’est moins opprimé que l’imbécile, et l’oppression est le signe d’un destin à l’écart de la mollesse et de l’anonymat du bonheur.

Cioran, Fenêtre sur le Rien,
trad. Nicolas Cavaillès, Arcades/Gallimard, 2020

1 commentaire:

  1. Penser qu'"ils" sont imbéciles est plutot léger.
    les décrire ainsi est leur faire cadeau de toute responsabilité, les considérer tels des enfants se promenant avec un flingue à la main et tirant à l'aveugle.
    Je serais tenrté de les appeler des lâches; ou le résultat de quasi un siècle de consumérisme de masse, de matérialisme, d'individualisme, d'idéologies.
    La mort de toute réflexion, de tous savoir, savoir-faire.
    La mort de l'altruisme, cet état de grace à travers lequel, on s'oublie sois-même, se laissant porter par de nouvelles idées, l'inconnu.
    Pour les quelques êtres humains qui ont refusé toute étiquette, ne reste plus que la violence sourde de cette société vide de sens, le poids de l'histoire qui se répete, savoir que "rien n'est à toi".
    Mais je comprends la colère de l'auteur (voir la haine) qui pousse à éructer des noms d'oiseaux envers nos contemporains.
    Ils sont lâches et ont peur, à juste titre, de ne pouvoir jouir du rêve américain; n'ayant aucune alternative, ils deviennent des monstres.
    Ils ne sont ni bêtes, ni imbéciles, ils sont juste lâches; des adultes, pères et mères de famille paralisés par la peur de perdre, la peur du changement, ...

    Ces dernières années, j'ai pu croiser la route de "baby-boomers" ces gens qui, matériellement ont tout eu; et qui, à 55, 60 ans et plus commencent à avoir quelques problèmes de santé. Apres un passage sur le billard et l'ablation d'un organe ou l'autre, voire , de quelques coudées d'intestin et quelque semaines de convalescence avec la grande faucheuse à leur chevet; pour la première fois dans leur existance, ils se remttent en question.
    C'est toujours tragique, souvent pathétique, une vie passée comme individualiste matérialiste; à écraser les autres
    (j'ai eu l'occasion de croiser/travailler/cotoyer d'ex chefs d'entreprise, CEO, des gens de pouvoir qui ont gagnés beaucoup d'argent)
    pour finir par se rendre compte, au crépuscule de sa vie qu'on (l'a ratée) est rien.
    Ils reconaissent alors une part de responsabilité (j'ai eu droit a des excuses pour avoir du subir certains comportements, de la reconaissance,... un peu tard) mais ca s'arrête là; aller plus loin dans une introspection les confineraient à la schizophrénie.
    Ce n'est pas générationnel, ni dépendant du millieu social. C'est simplement le rapport qu'on a avec soi même et le monde.
    Né en 1980, j'ai pu jouir d'une trentaine d'années d'insouciance, de curiosité; a travers l'altruisme, j'ai pu découvrir le monde sans oeuillères, dormir d'un someil léger la tête pleine de rêves, apprendre sans limites.
    Quelques années sur "le marché de l'emploi" m'ont bouzillé (comme beaucoup); je ne sort plus, ne bois plus, plus rien ne m'amuse. Mais je n'éructe plus ma haine envers mes contemporains; je pense que je n'ai jamais eu peur de la mort.

    RépondreSupprimer