jeudi 21 novembre 2019

Complètement Stone

F. C. Gundlach

L'autre jour, je suis tombé sur un exemplaire de l'autobiographie de Keith Richards, Life, survolée à l'époque de sa publication, parce que pavé épouvantablement mal foutu et traduit à l'emporte-pièce. J'ai de nouveau pesté, mais me suis laissé prendre. Et j'avoue m'être bien marré, seul aux toilettes, en lisant le passage qui concerne la rencontre avec Godard, vers 1968. Extraits.

Que ça nous plaise ou pas, la politique s'est chargée de venir à nous en la personne de Jean-Luc Godard, le grand révolutionnaire du cinéma. Fasciné par ce qui se passait à Londres cette année-là, il a voulu réaliser un film complètement différent de ce qu'il avait fait jusque-là. Pour se mettre dans l'ambiance, il a sans doute goûté à des substances qui n'ont pas trop dû lui réussir : question d'habitude. Très franchement, je pense que personne n'a jamais été capable de calculer où il voulait en venir avec son film Sympathy for the Devil. Il s'agit pour l'essentiel de l'enregistrement du morceau du même nom par nous en studio (…) je suis content qu'il ait filmé ces répètes, mais Godard, quel numéro ! Je n'en croyais pas mes yeux : on aurait dit un employé de banque français ! Qu'est-ce qu'il pensait faire de ce machin ? Il n'avait aucun plan précis à part quitter la France et choper l'ambiance de la scène londonienne. Le film est un tissu de conneries, avec des jeunes vierges sur une péniche de la Tamise, des giclées de sang et une scène faiblarde dans laquelle des soi-disants militants des Black Panthers échangent maladroitement des flingues dans une décharge à Battersea. Jusque-là ses films étaient plutôt maîtrisés, presque hitchcockiens, mais c'était une année où on faisait tout et n'importe quoi, avec pas mal de n'importe quoi. Je veux dire que, bon, quel besoin Jean-Luc Godard avait-il de s'intéresser à la petite révolution hippie en cours chez les Anglais pour essayer de montrer que c'était quelque chose d'autre ? Mon explication, c'est que quelqu'un avait mis de l'acide dans son café et qu'il a passé cette année foireuse en surchauffe idéologique permanente.
Il s'est même débrouillé pour mettre le feu aux studios Olympic !…



2 commentaires:

  1. Le Keith est un très honorable critique de cinéma mais il s'appelait pas One plus one, le navet de Godard ?
    J.

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    1. Exact, cher Julio. En fait, il me semble que One + One est le titre français. La version britannique, au montage sensiblement différent, avait pour titre Sympathy for the Devil. Les deux ne valent que pour la séance d'enregistrement - et encore, c'est un peu long et répétitif... Abrazo

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