samedi 22 juin 2019

Par terre

Au pied du lit, m'attendent, peinards, quelques ouvrages récents que, veinard, je viens de recevoir et pense pouvoir lire bientôt. Bien entendu, on ne va pas se mentir, ces lectures ne risquent pas de me guérir de mes insomnies...


Jean-Loup Trassard, Verdure,
éd. Le temps qu'il fait, 2019

Né à la campagne comme on le sait, l'auteur de L'Homme des haies s'est, dès les années 1970, inquiété du sort réservé aux arbres, ruisseaux, forêts, pillés, polués, défigurés..., et a livré ses observations ici et là (du journal municipal aux quotidiens et autres magazines et revues). Les excellentes éditions Le temps qu'il fait (salut à Armand Robin !) nous proposent aujourd'hui ce recueil de textes poétiques et politiques. Dans l'un d'eux, cette question sans illusion : « Si nous nous contentons d’envoyer une giclée d’encre à la face d’une telle imbécillité, croyez-vous que les ruisseaux et nous-mêmes pourrons continuer longtemps à suivre les méandres qui nous plaisent ? »



Henri Calet, Mes impressions d'Afrique,
éd. PUL, 2019

Autre recueil qui semble indispensable, celui des écrits de Calet lors et après ses voyages en Afrique du nord lorsque au-dessus de l'Algérie et du Maroc flottaient encore le drapeau tricolore colonial. Réflexions, notes, textes inachevés, mais aussi entretiens autour du sujet. Cette publication est dirigée et présentée par Michel P. Schmitt, professeur émérite de littérature française à Lyon 2, spécialiste d’Henri Calet et déjà responsable des éditions de De ma lucarne (Gallimard, 2014) et plus récemment du sompteux Paris à la maraude (éd. des Cendres, 2018).





Louis-Ferdinand Céline, Cahiers de prison
février-octobre 1946
, éd. Gallimard, 2019

Du fond de sa cellule 609, section K., de la prison de l'Ouest de Copenhague, Céline réclame de quoi écrire et finit par obtenir de l'administration pénitentière dix petits cahiers de 32 pages. Durant  environ un an, il évoque ses souvenirs de Montmartre et de Londres, les périples de l'exil, la « persécution » dont il se dit, sans rire, victime — « C'est moi maintenant le traître, le monstre, c'est moi qu'on s'apprête à lyncher » — mais aussi les livres que lui apporte Lucette : Chateaubriand, Hugo, Chamfort, Voltaire... Des écrits qui semblent annoncer la trilogie (D'un château l'autre, Nord et Rigodon) qui verra le jour 10 ans plus tard, ce que Jean Paul Louis, responsable de cette édition pour Les Cahiers de la NRF, nomme la « seconde révolution narrative et stylistique » de l'auteur de Mort à crédit... 


Pier Paolo Pasolini, Entretiens (1949-1975),
éd. Delga, 2019

Lit-on encore Pasolini ? Je l'espère. Sous la direction de Maria Grazia Chiarcossi, ce choix d'entretiens sur une bonne vingtaine d'années, la plupart d'entre eux, est-il spécifié, inédits en français, pourrait être une première approche de la pensée du poète-cinéaste et sympathisant communiste, l'un des plus brillants analyste du monde contemporain et défenseur des cultures populaires en voie déjà d'extermination. Au cours de sa dernière prise de parole (éditée par Allia autrefois), PPP affirmait : « Les quelques personnes qui ont fait l’Histoire sont celles qui ont dit non, et non les courtisans et les valets des cardinaux. Pour être efficace, le refus doit être grand, et non petit, total, et non pas porter sur tel ou tel point, « absurde », contraire au bon sens. Eichmann, mon cher, avait énormément de bon sens. Qu’est-ce qui lui a fait défaut ? La capacité de dire non tout en haut, au sommet, dès le début, tandis qu’il accomplissait une tâche purement et ordinairement administrative, bureaucratique. Peut-être qu’il aura dit à ses amis que ce Himmler ne lui plaisait pas tant que ça. Il aura murmuré, comme on murmure dans les maisons d’édition, les journaux, chez les sous-dirigeants politiques et à la télévision. Ou bien il aura protesté parce que tel ou tel train s’arrêtait une fois par jour pour laisser les déportés faire leurs besoins et avaler un peu de pain et d’eau, alors qu’il aurait été plus fonctionnel ou économique de prévoir deux arrêts. Il n’a jamais enrayé la machine. Alors, trois questions se posent. Quelle est, comme tu dis, « la situation », et pour quelle raison devrait-on l’arrêter ou la détruire ? Et de quelle façon ? »



Cédric Biagini et Patrick Marcolini (sous la dir. de),
Divertir pour dominer 2
, éd. L'échappée, 2019
Impossible suivre de près la richesse et la diversité des publications des éditions de l'Echappée — qui portent bien leur nom. Elles nous écraseraient ou du moins occuperaient l'essentiel de nos lectures tout au long de l'année. Ce dernier titre, suite d'un ouvrage paru il y a dix ans, consacrée aux addictions culturelles d'aujourd'hui et autres aliénations (séries, jeux vidéo, pornographie, consumérisme...) est des plus stimulants. De cette pile qui me nargue sur le parquet de la chambre, il est le premier volume dont je viens de commencer la lecture. Peu adepte des séries, je vais certainement y trouver la réponse à la question posée par un vieil ami il y a quelques jours. Le nombre de ces productions télévisuelles, addictives et formatées pour leur passage entrecoupé de pages de pub sur les petits écrans, ne cesse de croître alors même que la consommation de ces flux d'images s'éloigne toujours plus des traditionnels postes de télévision. Leur visionnage par téléchargements, légaux ou piratés, ou grâce aux coffrets DVD, n'offrent pas (encore ?) au consommateur le plaisir d'être, toutes les douze minutes, harcelé par ces marques qui financent la fabrication de ses images préférées. Partant, comment expliquer le succès et la surproduction toujours plus grande de ces objets sans y déceler un projet désormais essentiellement politique ? 


6 commentaires:

  1. merci pour ces bonnes recommandations. Cordialement.

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    1. Cher Kwarkito, sachez que je ne recommande jamais rien... A peine le fais-je pour moi, alors les autres... Portez-vous bien (c'est un souhait)

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  2. Merci quand même, et surtout pour le Pasolini.
    Quant à Saez, nom de Dieu, on avait oublié à quel point il avait de Noirs Désirs.
    J.

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    1. Cher Michel Simon, j'accepte les mercis, ils sont si rares/sincères de nos jours... Quant à Saez, comment dire ?, les influences sont des plus diverses...

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  3. Quel beau programme !
    Ah JL Trassard, délicieux, j'y vais les yeux fermés, je ne connais pas ses poèmes. Et "Divertir pour dominer", le 1 pour commencer peut-être.

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    1. Cher Christian, j'employais, au black, le terme poétique pour qualifier la langue de Trassard. Quant au livre chez l'Echappée, vous pouvez y plonger, en vous pinçant les narines, sans avoir lu le premier volume. Les champs diffèrent, la consternation non...

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