vendredi 14 juin 2019

Après la démocratie


Les anti-fascistes ont mauvaise presse. Un ami me signale un communiqué publié il y a quelques jours par Libérons-les. Il y est question d'Antonin Bernanos qui, comme c'est le cas pour Gaspard Glanz, et quelques autres, est régulièrement pris pour cible par les forces du désordre républicain. Je ne connais pas vraiment le fond de l'affaire qui a mené une nouvelle fois le petit-fils de l'auteur des Grands cimetières sous la lune derrière les barreaux – pas le souvenir d'avoir lu la moindre ligne dans nos grands médias –, mais j'ai gardé des réflexes de journaliste et m'empresse donc de coller le texte ci-dessous sans rien vérifier ni recouper.

Antonin Bernanos, antifasciste parisien, en prison depuis près de deux mois en raison de son militantisme.

Le 15 avril dernier, des militants antifascistes de la région parisienne ont été arrêtés suite à une confrontation de rue avec des membres des groupuscules d’extrême-droite Zouaves Paris, Milice Paris et Génération Identitaire. Cet affrontement fait suite à une série d’agressions de la part de ces bandes fascistes au sein du mouvement des gilets jaunes, comme celle très remarquée du cortège du NPA le 26 janvier à Paris. Dans cette affaire du 15 avril, les militants fascistes n’ont pas été inquiétés par la justice et l’un d’eux a même porté plainte. En revanche, plusieurs militants antifascistes ont été mis en examen et Antonin Bernanos a été placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, Charles Pratz, au centre pénitentiaire de Fresnes le 18 avril 2019. Hier, le 11 juin 2019, la chambre de l’instruction a décidé de rejeter l’appel de cette décision et a confirmé le maintien en détention d’Antonin.
À ce jour, le dossier judiciaire est vide et la juge d’instruction, Sabine Kheris, n’a toujours pas commencé ses investigations ; l’enquête policière n’avance donc pas, et pour cause, puisqu’ils n’ont pas d’éléments contre Antonin. Celui-ci conteste d’ailleurs les faits qui lui sont reprochés, ce qui ne laisse aux autorités que l’option de la manipulation : preuves erronées, nouvelles affaires à charge mensongères et négation totale du principe de présomption d’innocence – autant de procédés systématiquement mis en œuvre dans l’affaire dite du quai de Valmy ou celle de Tarnac. Sa détention est uniquement fondée sur son profil de militant et sa condamnation dans l’affaire du quai de Valmy.
Comme si cela ne suffisait pas, l’administration pénitentiaire a décidé de le placer en isolement depuis le 9 mai 2019, toujours en raison de ses activités politiques. En outre, les permis de visite de ses proches ont été perdus par la juge et n’ont pu obtenir de validation qu’après une décision en appel au bout de deux mois. Antonin n’a donc eu que la visite de son avocat depuis le début de sa détention. Évidemment, ses courriers comme ceux de ses proches sont bloqués chez la juge. De plus, Antonin estaujourd’hui dans l’impossibilité de poursuivre son master, lui qui avait déjà dû valider sa licence en détention à Fleury.
Cet acharnement judiciaire contre un militant ne sort pas de nulle part. Il s’ancre dans les formes de justice d’exception et de répression de masse forgées depuis des décennies dans les quartiers populaires et utilisées depuis quelques années contre les militants et les mouvements sociaux qui contestent les politiques gouvernementales. Le mouvement des Gilets Jaunes a sans aucun doute constitué un nouveau pas franchi dans ce tournant autoritaire, avec ses dizaines de mutilations, ses milliers de gardes à vues et ses 800 condamnations, dont 388 se sont traduites par de la prison ferme. Au sein de cette criminalisation croissante des mouvements sociaux, les antifascistes et les autonomes sont particulièrement ciblés depuis des mois : noms des supposés leaders diffusés dans la presse, arrestations préventives le jour des manifestations (qui aboutissent de fait à des « interdictions de manifester », mesure pourtant retoquée récemment par le Conseil constitutionnel), incarcération d’Antonin, dont Alain Bauer dira à la télévision, sans peur du ridicule, qu’elle explique le faible nombre de « blacks blocs » présents à Paris le 1er mai 2019.
À l’heure où le gouvernement tente d’imposer une fausse alternative entre « populisme » et « progressisme », l’acharnement judiciaire contre Antonin et ses camarades doit être pris pour ce qu’il est : la vengeance de l’État contre celles et ceux qui ont rendu impossible l’amalgame entre fascistes et Gilets Jaunes. Celles et ceux qui demeurent intraitables faces aux bandes d’extrême-droite sans pour autant céder d’un pouce face à l’autoritarisme délirant du bloc au pouvoir.
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PS : Journaliste, un boulot dangereux


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