vendredi 11 janvier 2019

Sur la route


C'est l'heure des nerfs en pointe. Le carrefour est envahi de voitures de tous côtés et personne ne souhaite céder le passage. Le feu passe au vert, j'avance prudemment. La vie est courte. Soudain, un autre deux roues me double. Par la droite, bien entendu. Je regarde filer ce jeune type qui joue les Marquez – Marc, pas Gabriel – dans cette rue limitée à 30 pour épater sa petite copine qui le serre à la taille. Peut-être, sous son casque, lui crie-t-elle combien elle est fière de lui. Ou elle garde ça pour elle. Mais lui, il sait. Et il bande. Et elle le sait. Cent mètres plus loin, une voiture a freiné. Je passe devant elle et découvre le jeune homme béquillant devant le véhicule à l'arrêt. Sa copine le suit. Fou furieux, il va s'en prendre au conducteur qui l'a probablement serré, envoyé une remarque ou simplement klaxonné – les agités du klaxon pullulent, et pas seulement le soir. Le garçon gueule, côté chauffeur, la fille de l'autre côté. Tout cela est ridicule. Mais je poursuis ma route, et pense aux réactions dont je fais preuve parfois. Après les nombreux accrochages, chutes, gnons, je prends moins de risques, bous plus facilement lorsque le conducteur, regard braqué sur son écran fessebouc ou gépéesse, ou tout bonnement crétin fini, manque de me renverser, grille un feu ou une priorité, en veut à mon corps. J'imagine combien je dois avoir, moi aussi, l'air risible. Sans parler que je n'ai jamais quelqu'un à abasourdir. 

Charles Brun





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire