mercredi 25 avril 2018

Tête en l'air

Mandy Baker



- Les posters de ta chambre d'ado viennent de prendre de la valeur...
- Mes posters de filles à poil ?
- J'ai pas le souvenir de posters de filles à poil dans ta chambre, mais de foot, oui.
- Et alors ?
- Ben, Henri Michel...
- ...Ah oui...   
- Ça nous fout soudain un sacré coup de vieux...
- Oh, ça fait un moment qu'on les encaisse, les coups de vieux...
- Je me souviens, c'était un de tes joueurs préférés...
- Quand j'étais môme, je le trouvais vraiment classieux, technique, rayonnant. Et puis, c'était le capitaine ! Tout l'opposé de ce que j'étais, en somme...
- J'ai jamais trop aimé Nantes.
- Tu as toujours été PSG, toi...
- J'étais plutôt vert...
- On l'a tous été dans ces années-là. Mais le jeu à la nantaise, c'était quelque chose. Importé par un Espagnol, d'ailleurs...
- Ah bon ?
- José Arribas,
un Basque de Bilbao.
- Le fameux jeu en triangle.
- Pour une ville qui s'est développée grâce au commerce triangulaire, rien de plus normal...
- A l'époque, un match à la télé, c'était un événement. Aujourd'hui, tu ne sais plus où donner de la tête...
- Tiens, t'as qu'à donner de la tête vers le garçon, qu'il nous remette ça, il pleut sur Nantes et j'ai le coeur chagrin...
- T'as vu ces images de Macron et Trump ?
- Non, merci.
- Attends, regarde...
- Non, ai-je dit, pitié...

- Oh, putain ! Qu'est-ce qu'ils ont à se tenir par la main ? On dirait Lennie Small et son clébard.
- Tout le monde ne parle plus que de ça...
- Ah bon...
- Parfois on se demande où tu as la tête...
- En l'air ! Et jusqu'au bout, je refuserai qu'elle se trimballe ailleurs...
- Là, c'est Donald qui fait une blague sur les pellicules de son petit soldat.
- Il y a quelque temps le crétin ravi et vulgaire disait pourtant pis que pendre du clown grotesque et vulgaire...
- Maintenant, ils paradent comme larrons en foire...
- Et à la carbonara... Epargne-moi ça, s'il te plaît.
- Regarde.

- Nom d'une pipe ! T'as pas la photo de la pipe, justement ?
- Ils se sont retrouvés sur le dos de la Syrie. Macron déclarait récemment qu'ils s'entendent bien car ils ont un point commun : l'un comme l'autre ne sont pas du sérail.
- Bien sûr. L'un comme l'autre surtout se fout ouvertement de notre gueule ! On était peinards à parler foot comme de vieux cons, et tu nous sors ces immondices !
- Ils sont pas beaux, là, tous ensemble ?
- On dirait la pub pour une compagnie de pompes funèbres !
- Ou un épisode des Soprano !
- Bon, ça suffit, maintenant ! Eteins cette machine ou je me barre sur le champ !
- T'as même pas fini ta bière...
- J'ai même plus soif, t'as réussi à m'écoeurer...

- Les journaux s'en donnent à coeur joie, les images passent en boucle sur les chaînes...
- Tais-toi ! Ne me dis pas que je vis dans un monde qui fait la part belle à ces vulgaires crapules !
- J'ai bien peur de te décevoir...
- Tu ne crois pas que je souffre suffisamment comme ça ? Leonard Cohen, Stéphane Audran, Jacques Higelin, Henri Michel...
- Bientôt Dylan...
- Tandis que ces salopards pètent la forme et nous rient au nez... Plus que jamais ‒ c'est une question de survie ‒, il nous faut rester étrangers à toute cette propagande, aux vérités premières énoncées par les cons...



2 commentaires:

  1. Henri Michel, José Arribas, le stade Marcel Saupin, le pylône de la tribune Est que les resquilleurs escaladaient pour rentrer gratis (le vertige m’empêchait d’enjamber le vide d’un mètre pour atteindre le haut de la tribune), les populaires en gradin, le Muscadet et le Gros plan. Quand j'y repense, je revois ça comme un film en noir et blanc.

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    1. Mon cher Luc, je n'ai pas connu Marcel Saupin. Mais les rares fois où je suis allé au Parc des princes, c'était pour Nantes, qui en repartait souvent défait… et moi aussi…

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