mercredi 14 mars 2018

Le retour du printemps



Salon du livre, Printemps des poètes... Au secours ! V'là le retour des discours et des concours. Car si en ce pays plus personne ne lit, tout le monde écrit.

Ces dernières années, de nombreux cinéastes, Américains pour la plupart, ont édité en vidéo leur version idéale, originelle, d'un ou de plusieurs de leurs films. L'appellation Director's cut surgit bien après la sortie en salles, une première publication en vidéo, le plus souvent lorsque les réalisateurs ont récupéré leurs droits et se lancent à leur tour dans la commercialisation de leur oeuvre : montage plus lâche, rajout de scènes auparavant éliminées, parfois même résurrection d'un personnage jadis effacé. Il m'est arrivé de revoir un ou deux films dans leur nouvelle mouture et de trouver le temps légèrement long... Dans le domaine de la littérature, c'est un peu l'inverse et les textes de nombre d'auteurs du monde d'avant seraient aujourd'hui difficilement publiables. Proust par exemple, dont le premier volume de La Recherche fut édité à compte d'auteur, devrait certainement de nos jours expurger son récit, amputer ses longues phrases, supprimer des personnages secondaires, affirmer son sujet..., lui qui avait, d'emblée, réussi à imposer son Director's cut.

Elle a profité de ma faiblesse, m'a fait boire... Je ne me souviens plus de rien.


Désormais, comme dans les médias et les réseaux sociaux, la moindre réunion d'amis, de collègues de travail, de clients de bar..., compte sa militante féministe de service prompte à signaler nos fautes : non-féminisation d'un terme au cours de la conversation, propos misogynes primaires, attitude intolérable, jambes trop écartées... et à nous restituer les dernières avancées en la matière dans l'actualité et les réseaux sociaux. Plus que jamais, et comme pour d'autres sujets, nous ne pouvons plus échapper au conditionnement médiatique et nous passons pour le dernier des cons si, malgré nous, en raison par exemple d'une préférence pour la littérature, nous marquons quelque réticence à nous soumettre à cette tyrannie.

C'est au volant que les femmes se battent le mieux pour leurs droits : sorties sauvages de leur emplacement, changements de file sans prévenir, non-respect des priorités et des limitations de vitesse, coups de klaxon intempestifs, insultes, doigts d'honneur..., leur conduite égale désormais celle des hommes. Et si le salut des femmes, avenir de l'homme nous avait-on chanté, passait par la bêtise ? 

Les beaux jours arrivent et c'est au guidon donc que nous nous réjouirons de voir les femmes rouler, leurs jupes voler, leurs jambes dorer, la sueur couler dans leur dos et dans le nôtre.


Charles Brun, Désinscriptions souterraines

1 commentaire:

  1. Pour signaler nos fautes, il y a aussi tous ceux qui mènent une vie plus saine que nous et consomment mieux. On est cernés.

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