lundi 12 février 2018

La vie facile


Tine Poppe


Après avoir beaucoup travaillé pendant trente-trois ans, je suis fatigué. Mais j’ai encore un appétit magnifique. C’est ce bel appétit qui m’a fait faire beaucoup de bêtises. Heureux sont ceux qui ont un mauvais estomac, car ils seront vertueux.
Peut-être n’ai-je pas assez bien observé les règles de l’hygiène. En vivant hygiéniquement, on peut, paraît-il, devenir très vieux. Cela ne m’a jamais tenté. Je voudrais, désormais, mener une existence confortable et, principalement, contemplative. Avec de la griserie dans l’esprit, avec de fugitives émotions, je voudrais, du matin au soir, admirer la beauté du monde et savourer des “nourritures terrestres”.
Mais si je restais sur la terre, je n’aurais pas cette vie facile qui me tente. Pour réparer les fautes que j’ai commises, je devrais, longtemps encore, accomplir des besognes monotones et supporter des privations pénibles. J’aime mieux m’en aller.

Henri Roorda, Mon suicide, 1926, rééd. Allia, 2017

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