jeudi 24 août 2017

Le jeu de la baise



Un truc vraiment horrible,
c'est
de se retrouver au lit
nuit après nuit
avec une femme que l'on n'a plus
envie de baiser.

elles vieillissent, elles ne ressemblent plus
à rien – elles ont même tendance à
ronfler, à perdre
leur entrain.

alors, dans le lit, il arrive qu'en se retournant,
vos pieds touchent parfois les siens –
bon sang, c'est affreux !
et la nuit est là dehors
derrière les rideaux
qui vous enferme ensemble
dans la 
tombe.

et le matin, vous allez dans la 
salle de bains, passez dans le couloir, parlez,
tenez des propos bizarres sur des œufs frits et des moteurs
à démarrer.

mais assis face à face
il y a 2 étrangers
fourrant des toasts dans leurs bouches
brûlant leurs têtes et leurs tripes douloureuses avec du café.

dans 10 millions de foyers en Amérique
c'est la même chose :
deux vies desséchées s'appuyant l'une sur
l'autre
et nulle part où
aller.

vous montez dans la voiture
vous vous rendez au boulot
et là-bas il y a encore plus d'étrangers, la plupart
maris et femmes de quelqu'un
d'autre, et à côté de la guillotine du travail, ils
flirtent et plaisantent, et se pincent, et parfois même
réussissent à aller baiser en vitesse quelque part –
ils ne peuvent pas le faire chez eux –
puis ils 
retournent chez eux
en attendant Noël ou la fête du travail ou
dimanche ou
quelque chose.


Charles Bukowski, Les jours s'en vont comme des chevaux sauvages dans les collines,
trad. Thierry Beauchamp

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