mardi 28 février 2017

Un homme aussi profondément ulcéré que moi

Joan Colom via flash of god


Peindre l'impossibilité de sortir du rang. Montrer la foule, ce que c'est d'être en bas.

Je crois qu'il n'est personne pour me contredire : la vie est pleine d'injustices. Partout on ne rencontre que petitesse, népotisme, envie, soif de luxe et de jouissances. Il y a évidemment des choses belles en ce monde, des sentiments désintéressés, de l'amour, de la joie, mais tout cela ne peut être que provisoire. La générosité fera naître l'ingratitude. Si on pouvait attribuer un ordre aux sentiments, la grandeur, la beauté viendraient en tête, mais aussitôt la laideur les remplacerait.

On me dit : « Soyez donc optimiste ». Je ne peux m'empêcher de songer qu'en fin de compte tout doit disparaître. Et ce qu'il y a d'étrange, c'est que jamais, depuis que j'existe, je n'ai trouvé un homme vraiment amer, un homme à qui je pourrais livrer mon coeur, dire tout ce que je pense du monde, un homme qui serait aussi profondément ulcéré que moi. Loin de ma pensée de vouloir dire que seul je sache souffrir de la laideur et de la méchanceté du monde. D'autres, comme moi, n'ont jamais trouvé aussi ceux qui comprendraient leurs souffrances, aussi simples, aussi légitimes fussent-elles.
Emmanuel Bove, Carnets

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