lundi 12 décembre 2016

Une bombe !




- Tu vas lire ?
- Un peu, oui.
- Tu t'endormais devant le film…
- Tu sais bien que je ne peux dormir sans avoir lu, au moins quelques lignes.
- C'est quoi ?
- Ce besoin ?
- Non, ce livre.
- Ma Vie atomique.
- C'est une nouveauté ?
- Oui. Attends… Dépôt légal, octobre.
- Jamais entendu parler…
- Normal.
- C'est quoi ? Un roman ?
- Pas vraiment…
- Raconte, j'aime bien que tu me racontes des histoires quand je m'endors… C'est quoi, ce livre, une comédie ?
- Si on veut. 
- C'est qui, Jean Songe ? Drôle de nom…

- Un pseudo.
- Ah… Et, donc, ça parle de quoi ?
- Des songes, j'imagine, ceux de la littérature, du…
- …Je parle du livre !
- C'est une enquête sur le nucléaire.
- Ouh la…
- Comme tu dis. Ce livre, c'est d'la bombe, bébé !
- C'est bien, de lire ça pour s'endormir ?
- C'est passionnant.
- Effrayant aussi, j'imagine.
- Oui, bien sûr. Mais c'est très bien écrit. Il arrive à te faire comprendre des choses sur un sujet complexe auquel la plupart des hommes politiques ne comprennent rien, ne veulent rien comprendre, laissant cela aux "experts" de l'atome, les X-Mines…
- Les quoi ?
- Les Américains ont les X-Men, nous, nous avons les X-Mines : l'Ecole des Mines, l'élite, les meilleurs élèves de l'Ena et de Polytechnique, les cerveaux de la République, les rois de l'embrouille…
- Revoilà ta haine des élites… Tu vas finir par voter FN…
- Un, je n'ai aucune haine pour les élites. Deux, voter FN, c'est voter pour l'élite. Trois, je ne vote pas.
- C'est bon, c'est bon… Pourquoi, l'embrouille ?
- Ces techniciens de haut vol se sont emparés des dossiers dans nombre de domaines, dont celui du nucléaire. Pour ne pas qu'on s'en mêle, ils multiplient les rapports hermétiques, la désinformation, les falsifications, les mensonges. Le nucléaire, on pense que c'est dangereux, mais indispensable. On n'y comprend rien, on laisse ça aux experts, ils sont assez payés pour ça… On a vu ce que leurs confrères ont fait à Fukushima…
- C'est un spécialiste du sujet, le type qui se cache sous ce pseudo ?
- Non, pas du tout. C'est un auteur de polar, un ancien journaliste de rock.
- Comment t'en es arrivé à lire ce bouquin ?
- C'est une vieille histoire.
- Je croyais que c'était une nouveauté.
- Le bouquin, oui. L'auteur, non.
- T'as lu d'autres livres de lui ?
- Oui, il y a longtemps. Je t'ai déjà parlé de lui, mais tu ne t'en souviens certainement pas…
- De machin Songe ?
- Jean.
- Ton copain des Ardennes ?
- Oui, mais c'est pas le même.
- Je ne comprends plus rien.
- Jean, que tu connais, ce n'est pas le Jean Songe que tu ne connais pas. En revanche, je t'ai parlé de lui et de l'époque où l'on bossait ensemble dans un canard qui n'a tenu qu'un an…
- Si je comprends bien, tu as écrit sur le rock ?
- Jamais.
- Tu ne m'as pas dit que c'était un ancien journaliste de rock ?
- Si.
- Tu vois, je suis. C'est toi, le roi de l'embrouille, ce soir.
- Dans un canard, un quotidien, il y a une rubrique rock, culturelle, artistique, et y'a aussi d'autres rubriques, politique, société, international, etc. Le Jour et La Nuit.
- Hein ?
- Ça s'appelait comme ça.
- Quoi donc ?
- D'un côté, il y avait Le Jour, de l'autre La Nuit. 
- Tu plaisantes…
- Le Jour, c'était le nom du journal et La Nuit, sa partie culturelle. C'est là-dedans que j'ai commis quelques papiers.
- Ça date de quand ?
- Oh, je dirais 1993-1994, dans ces eaux-là. Je ne sais plus exactement.
- Et donc, ce Jean des Ardennes qui n'est pas le Jean des Ardennes que je connais ?…
- Un A-Jean double.
- Hein ?
- Yannick.
- Ça veut dire agent double ?
- Non, c'est son nom.
- Jean Songe ?
- Oui.
- Tu ne m'en as jamais parlé.
- Si, mais tu as oublié. Yannick, j'étais assez proche de lui, et de son copain David. Ils dirigeaient cette partie culturelle du journal. On est devenu potes, par le foot, la musique…
- …Les filles…
- Non. Yannick était marié. Et il est toujours avec la même femme. Emmanuelle, une fille extra, prof d'arts plastiques. Il en parle dans le bouquin.
- Je croyais que ça parlait du nucléaire.
- Oui, mais il raconte comment il en est arrivé à s'intéresser au sujet, à enquêter...
- Et vous vous êtes perdus de vue ?
- Le lendemain de la finale de 1998.
- Tu es bien sûr de cette date. C'est étonnant.
- C'est parce qu'il en parle dans son livre.
- Il parle de tout, dans son livre !
- Non, mais ça, oui. 
- Donc, cette finale ? Ou son lendemain, plutôt ?
- Je dormais quand il est parti. Après une nuit à l'hôtel…
- Vous aviez passé la nuit ensemble à l'hôtel ?!
- Mais non ! Le jour de la finale, je remplaçais un copain veilleur de nuit.
- Le fameux hôtel en face du club Troyon ?
- Exact. Et, si je me souviens bien, la mère de mes enfants a passé la soirée avec Yannick.
- C'est elle qui couchait avec lui ?
- Mais pourquoi faut-il toujours que tout le monde couche avec tout le monde ?
- Ben, c'est pas clair, ton histoire…
- Le soir et la nuit de France-Brésil, je travaillais. Et, si je m'en souviens bien, Yannick avait invité chez lui la mère de mes filles pour voir le match. Il devait y avoir d'autres amis, mais je n'y étais pas, donc je ne sais plus. Ma fille aînée devait y être, elle avait un an, et, attends, je calcule, peut-être bien que ma deuxième fille aussi, dans le ventre de sa mère. 
- Elle n'est pas née le même jour que Jacques Demy ?
- Si.
- Donc, en juillet, elle ne pouvait pas être dans le ventre de ta femme.
- On n'était pas mariés.
- Ça n'a pas d'influence sur le temps de gestation…
- Bon, on n'était pas loin… Voilà pourquoi je dormais quand il est parti.
- Parti où ?
- S'installer dans le sud avec sa petite famille. 
- Le lendemain de la finale ?
- Voilà, tu as tout compris, je ne m'en souvenais plus, mais il l'évoque dans le livre. 
- Que ta femme et ta fille sont allées voir le match chez lui ?
- Non, qu'il est parti le lendemain de la finale.
- Et c'est pour cela que vous vous êtes perdus de vue.
- Oui, en partie. On a dû correspondre un moment. S'appeler. C'était le début d'internet, on a peut-être échangé des mails, je ne m'en souviens plus. Je voyais encore de temps à autre David, je crois, je ne sais plus. Lui aussi est parti. Au Canada. L'éloignement, la vie, les enfants, les séparations, les échecs, la dèche, on recommence autre chose, avec d'autres gens…
- Encore un Jean ?
- D'autres gens !
- J'avais compris ! Mais je n'ai toujours pas bien saisi cette histoire des deux Jean des Ardennes. Ou alors, je suis très fatiguée…
- En fait, si on efface le pseudo…
- Celui de l'agent double ?
- Oui. Il ne reste qu'un Jean.
- Ah bon ?
- Mais oui, parce que l'autre s'appelle Yannick !
- Ah, j'y suis.
- Quand même…
- Et c'est lequel que je connais ?
- Tu te moques de moi ?
- Oui, mon chéri.
- Eh bien, figure-toi que l'autre soir, en rentrant de je ne sais où, bourré, je suis tombé sur un entretien avec Yannick, enfin, Jean Songe… Mené par David.
- Au Canada ?
- Je ne sais pas où ils ont fait ça, par mail, skype, peu importe… C'était à propos de ce livre. Bourré comme j'étais, j'ai envoyé un mail à David…
- …Tu avais gardé ses coordonnées ?
- Elles sont sur son site. Il m'a répondu le lendemain et on a échangé quelques nouvelles. Je lui ai demandé les coordonnées de Yannick et je lui ai écrit.
- Mais pourquoi tu ne m'as pas raconté ça avant ?
- C'était il y a quelques jours… Tiens, le jour où j'ai déjeuné avec Jean…
- Jean des Ardennes ? Le vrai ?
- Ben oui. Tu te souviens l'avoir croisé quand même ? 
- Mais oui, je blague, mon chéri.
- Et en discutant avec Yannick, qui me demande des nouvelles, je lui raconte un peu, parle du blogue…
- Nos Consolations ?
- Celui-là même. Et figure-toi qu'il le parcourt et m'envoie ses impressions, encouragements, etc. Et surtout me parle des Ardennes.
- On y est !
- Et de Nouzonville. J'en ai parlé sur le blogue, mais je ne sais plus ce que j'en dis. Ça a un lien avec Jean, certainement.
- Lequel ?
- Les deux.
- Je croyais qu'il n'y en avait qu'un ?
- Yannick est né à Charleville ! Il y a passé une grande partie de son enfance. Et connait très bien Nouzonville… 
- Les deux Jean se connaissent ?
- Ils se sont croisés certainement. En tous cas, le jour où je déjeunais avec Jean, Yannick lisait ce que j'avais écrit sur les Ardennes, m'écrivait le soir-même me rappelant qu'il y était né, ce que j'avais oublié. Ça m'est revenu en le lisant. Je lui ai alors rappelé que nous en avions parlé, ce qu'il avait de son côté oublié.
- Quelle histoire !
- Oui, ça remue.
- Autant que le nucléaire ?
- Ça fusionne en tous cas…
Les ingénieurs de Tepco dans la piscine n°4 de Fukushima

5 commentaires:

  1. Ah, être irradié dans cette piscine, brasser-couler avec ces bombes(an)atomiques à la bonne humeur si contaminante.

    De bien belles images, cher Inconsolable.

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    Réponses
    1. Cher Promeneur, j'ai bien peur que ce bassin soit réservé aux "experts"…

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