samedi 17 octobre 2015

La glu

Claude Nori via Pop9


- Tu es rassuré quand même ?
- Je devrais l'être ?
- Tu ne m'as pas tout raconté…
- Tu n'en as pas envie.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
- Ben, rien...
- Ça t'a fait mal ?
- Arrête.
- Mais je veux savoir.
- Combien c'était humiliant ?
- Ça l'était ?
- Etre face à un médecin, c'est humiliant.
- C'est vrai.
- Alors, imagine, le dos tourné, debout, le pantalon et le caleçon tombés sur les chevilles.
- Tu n'étais pas couché ?
- Non, debout, penché sur le lit. J'étais invité à me tenir au lit, pas à m'y coucher. L'humiliation à son apogée.
- T'as pas aimé, alors…
- Peut-être couché, avec quelques caresses...
- J'en étais sûre !
- Là, debout, plus il s'enfonçait, plus je décollais les pieds du sol.
- Tu planais…
- Ne te moque pas. C'est comme s'il me soulevait avec son doigt.
- Il paraît que c'est une partie du corps très érogène.
- Il m'a dit : Je fais une pause pour vous laisser atterrir.
- Il a cru que tu jouissais !
- Il n'avait pas encore atteint la fameuse zone.
- Et lorsqu'il l'a atteinte, tu n'as rien ressenti ?
- Si, l'envie de pisser. C'est d'ailleurs ce que je lui ai dit.
- Tu lui as dit ça ?
- Oui, il voulait savoir si j'avais mal, ce que je ressentais. Ensuite, pendant qu'il y était, il a tout tâté devant.
- Tout était normal ?
- Oui, mais on va faire un scanner quand même.
- Par précaution ?
- Par angoisse.
- Colle-toi à moi...
- Comme ça ?
- Oui... Il a vraiment dit ça : Je vous laisse atterrir ?
- Pourquoi tu ris ?
- Je n'en reviens pas.
- Moi, c'est comme cela que je me sens le mieux. Que je plane. Dans ton dos, puis, j'atterris à tes pieds, soumis, j'atterris à tes rires.
- C'est joli, ça. C'est de toi ?
- Presque.
- C'est-à-dire ?
- Comme tu n'aimes pas Bashung, je peux me permettre de le citer, de le parodier, Fauque-Bashung, plus précisément.
- Fuck Bashung ?!
- Non, Fauque. Le gars qui écrivait avec lui.
- Il s'appelait vraiment comme ça ?
- Oui. Je ne sais plus son prénom. Jacques ? Jean ? Oui, Jean, je crois bien Jean Fauque. C'est énervant, cette tendance à ne pas retrouver les noms, les mots... 
- Ce doit être le traitement. Il a été particulièrement long.
- Non, je crois que c'est la vie qui commence à être particulièrement longue. Je n'étais certainement pas programmé pour durer : tout se dérègle brusquement.
- Tu n'as que 50 ans !
- 52 dans une semaine ! 
- Et alors ?
- J'étais censé te soustraire à la glu...



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