mercredi 29 juillet 2015

Fin du massacre






Je lui ai dit que son baiser ne m'avait pas donné cette impression. Ça l'a énervée, c'était mon baiser, pas le sien. Je n'ai pas insisté sur la réponse qu'elle y avait donné, déjà elle regrettait de m'avoir laissé entrer. 
- Je dois me préparer. 
Je n'ai pas bougé. Elle est passée dans la chambre, agacée. Je suis resté seul dans la cuisine avec la bouteille à moitié vide et cette eau chaude menaçante. Je ne connaissais aucune des photos d'Audrey collées sur le frigo. Depuis notre séparation, j'avais revu Maria deux, trois fois, mais jamais sa fille. Je m'étais habitué à notre petite cellule familiale, même si j'avais été en-dessous de tout. Audrey me manquait, presque autant que Maria. J'avais baisé quelques filles, certaines très jolies, j'arrivais à faire illusion un temps, mais il y avait toujours en elles quelque chose qui imposait une distance, un retrait de ma part. Et ce quelque chose qui me rongeait de l'intérieur, c'était Maria. 
Elle avait laissé son téléphone sur le plan de travail. Je me suis resservi une coupe, et fini la bouteille au goulot. Ce n'était pas fameux. J'ai pris le portable. Je voyais mes mains trembler comme toujours. Je ne sais pas ce que j'y cherchais. Enfin, si, trouver un signe, un message, laissant penser que Maria avait quelqu'un. Mais je m'en foutais un peu, le contraire aurait été suspect. Une belle fille comme elle ne pouvait rester seule bien longtemps, je le savais. Qui plus est maintenant qu'elle semblait s'en être sortie. En fait, je ne savais pas ce que je foutais là, tout simplement. J'ai reposé le téléphone en entendant du bruit à côté et me suis précipité vers la chambre. 
- Tout va bien, mi amor ?
- Sors d'ici !
- Tu es en train de te déshabiller et tu me laisses
dans la cuisine ?
- Joder, eres la hostia ! Fous le camp d'ici.
Il y avait son corps, tant désiré, à portée de main. Il y avait mon amour et ma connerie, l'alcool aussi. Je me suis jeté à ses pieds. Je sentais toute la tension concentrée sur ses jambes. Je ne sentais plus ma tête, je l'ai posée contre son ventre, j'avais besoin de calme.
- Ce soir, on dîne tous les trois ensemble. Comme avant.
- Jamais de la vie ! Lâche-moi et lève-toi !
- Elle me manque, elle aussi.
- C'est fini, entiendes ?!
Elle m'a poussé et je me suis retrouvé le cul sur son tapis. Je me suis laissé glisser tout entier, j'avais besoin d'un temps de repos, d'oublier qui j'étais. Elle a fini de s'habiller et m'a flanqué un coup de pied dans les côtes. Pas très fort, mais quand même. Elle a demandé ce qu'elle avait fait pour mériter ça, comme dans un film d'Almodovar, ça m'a fait rire, pas elle. En regardant ses yeux prêts à me fracasser le crâne, j'ai compris combien j'étais ridicule, combien la situation était absurde, combien notre vie avait été grotesque. Je me suis relevé et souvenu que je n'avais rien avalé depuis la veille. J'ai foncé dans les toilettes, mais rien n'est venu. Je vomis rarement, pour un alcoolo. En général, ça descend et ça se termine assis des heures durant à me vider sans fin. J'étais secoué, en sueur, prêt à défaillir. Je ne sais pas ce qui m'a pris. En la retrouvant dans la chambre, j'ai dit que j'avais fait une demande d'adoption pour Audrey. Elle n'a pas compris tout de suite. Alors, j'ai expliqué.
- Je l'ai élevée bien plus que son propre père ! J'ai des droits, tu comprends.
Elle s'est déchaînée. Elle m'a frappé à la poitrine de ses petits poings pointus, m'a traité de tous les noms, a promis de me dénoncer aux flics, est passée aux coups de pieds. J'ai esquivé ce que je pouvais mais je sais que je n'aurais pas dû répondre. Juste une claque pour me défaire du feu. 
Elle était là, devant mes larmes, encore surprise par la gifle, le sang qui coulait de son nez, dégoûtée. J'ai voulu l'aider à se relever, dit une phrase stupide du genre Regarde ce que tu m'as fait faire, et entendu encore quelques insultes en espagnol. Elle s'est levée et m'a poussé sans mal vers la sortie. Fin du massacre. La porte s'est refermée sur mes excuses bidon. Il n'y avait sur terre aucun homme capable de tout foutre en l'air aussi facilement. Ma vie n'avait plus aucun sens. J'étais vraiment le roi.
En marchant vers la voiture, je n'avais qu'une envie. Foncer droit dans un mur. Ou tenter de revoir Audrey. Juste une fois.

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