samedi 13 juin 2015

Sa dernière nuit

Bernard Plossu


J'ai griffonné un mot dans le noir. Je ne dormais plus depuis plus d'une heure. J'ai ramassé mes affaires, tâtonné vers le salon et me suis excusé sans rien y voir. Je ne me suis pas retourné en refermant derrière. Je savais pourtant que je ne reverrais jamais cette femme, ses enfants, sa maison. La nuit m'a recueilli comme un enfant blessé. J'ai marché droit devant sans chercher la gare. J'avais froid et savais qu'ici non plus, je n'arriverais à rien. Combien de temps allais-je marcher dans cette ville étrangère ? Allais-je vraiment me perdre ? Je ne savais plus d'où je venais, par où j'étais passé le soir même. Je ne retrouvais aucun signe. Tout cela était normal. Je me suis juré de ne plus boire, de ne plus passer de nuits avec des inconnues. J'avais aimé caresser ses jambes, sous la table, devant ses enfants. Et finir son vin. Elle ne me regrettera pas. N'aura aucune image de moi. Ce simple mot maladroit et mal écrit. La trace d'un déséquilibré. J'ai oublié de lui voler un livre ou un disque. Je n'ai pas eu le temps d'inspecter sa bibliothèque et la musique infligée m'avait dissuadé d'en savoir plus sur ses goûts. Ses gestes furent flous. Les miens peu inspirés. J'ai collé ma peau contre la sienne et léché ses seins lourds et rêches. Je me forçais. Tout ce chemin pour venir jusqu'à elle... Je n'ai pensé qu'à moi, c'était le seul moyen. J'ai fermé les yeux et me suis glissé entre ses cuisses. Quand elle a dormi, je les ai rouverts. J'avais son odeur en moi. Je marchais depuis plus d'une heure et n'avais encore croisé aucun signe de vie. J'étais mort comme tout le monde.

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