mercredi 7 janvier 2015

De la propagande quotidienne

Je suis passé cet après-midi chez ma mère. Comme d'habitude, depuis sa sortie de l'hôpital, elle n'avait besoin de rien. Moi si. N'ayant toujours pas de connection internet, je suis venu bosser chez elle un moment pour tenter de préparer des articles de commande. La tête n'était pas trop à ça. La nouvelle qui faisait le tour de la toile et la boucle des chaînes d'infos depuis ce midi rendait l'atmosphère pesante et confuse. Ma mère était horrifiée par la fusillade et s'en prenait en passant à Houellebecq dont elle ne retrouvait pas le nom. Je fus un temps étonné d'apprendre qu'elle aussi était soumise au matraquage du moment. A la télévision espagnole, c'était l'heure des infos et j'ai filé dans mon ancienne chambre sans savoir si on parlait aussi de Houellebecq en espagnol. Je n'ai pas la télévision depuis des années mais j'imagine qu'aucune chaîne française, et certainement est-ce le cas également pour de nombreuses chaînes étrangères, n'est passée à côté de l'événement Houellebecq et des choux gras qu'il occasionne. 
Ce matin, comme elle le fait depuis quelques jours, la seule radio que j'arrive encore à écouter, France culture, évoquait dans toutes ses rubriques notre future Soumission : le journal de 6.30, celui de 7.00, le billet politique de 7.15, la revue de presse internationale de 7.24, l'invité des matins de 7.40, car il s'agissait, ça tombait bien, de François Bayrou, l'un des personnages de Soumission, et encore un dernier coup de matraquage matinal à 8.00 pour le nouveau journal. J'ai même entendu, dans la bouche de je ne sais quel bateleur du service public, l'interrogation suivante, posée sur un mode très sérieux : pourquoi la nouvelle production du prix Goncourt 2010 est-elle devenue un phénomène de société ? Je n'ai pas voulu réfléchir davantage à ce problème ni aux arguments opportunistes de l'écrivain que, décidément, je pense, je ne lirai jamais. Il faut dire que je me suis ensuite soumis à l'émission d'Adèle Van Reeth consacrée à Jacques Demy, avec la délicieuse Camille Taboulay, oubliant un temps le bourrage de crâne.
C'est vers 13.00 que ça m'est revenu dans la gueule. Je n'aime pas particulièrement Charlie Hebdo, notamment depuis les prises de position, sous le règne de Philippe Val, pour le bombardement du Kosovo et l'épisode de l'éviction de Siné, mais je me réjouis bien entendu que ce titre existe au nom de la liberté de la presse, de la pluralité d'opinion. En apprenant l'odieux attentat qui a frappé la rédaction de ce journal, je suis resté sidéré. J'ai même placé le tuner sur France info. J'ai essayé de ne pas tomber dans la parano habituelle dans ce genre d'événement et l'amalgame vite effectué par nombre de commentateurs entre islam, terrorrisme et thèses de Houellebecq. Lorsque la parole a été donnée à un dirigeant du FN qui affirmait vouloir se garder de toute récupération politique, j'ai été pris de nausée, réalisant à quel point une certaine propagande était installée confortablement et certainement durablement au sein de nos grands médias. Evidemment, je m'en doutais, la sentais, mais volontairement éloigné de l'actualité, de ses commentaires, je dois reconnaître qu'il m'arrive rarement de mettre le doigt dessus. 
Le drame a vite pris une autre tournure, encore plus personnelle, lorsqu'ont été donnés les noms de certaines victimes. L'une d'elles, le dessinateur Bernard Verlhac, dit Tignous, était le père de la meilleure amie de ma fille aînée. Je ne l'ai jamais rencontré. Je connais uniquement sa fille. Et je me sens totalement démuni face à son désarroi, à celui de ma propre fille devant l'angoisse vécue avec son amie dans l'attente des nouvelles puis après le départ de celle-ci en compagnie de sa mère. J'ai pensé au cauchemar vécu par toutes les familles et tous les proches des victimes, au traumatisme de leurs collègues de Charlie Hebdo. A la connerie de Houellebecq, forcément. A celle de nos médias. 

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