mardi 16 décembre 2014

Images en noir et blanc

Il y avait un autre ami dans ces années que j'ai appelées d'apprentissage pour aller vite, car je ne sais encore très bien ce que j'y ai appris. Jean était certainement le plus doué d'entre nous. Le plus tourmenté aussi peut-être. Il détestait Paris et j'allais passer beaucoup de temps du côté des Ardennes, Charleville puis Nouzonville. Puis vint Bruxelles. Les voyages en forme de genèse.
Je ne vois plus ce temps avec nostalgie. C'est plus souvent la honte qui me secoue. Honte de l'arrogance, de la bêtise, de ne pas avoir su rester fidèle à certaines amitiés, à certaines croyances, de n'avoir tenu aucune promesse, même la plus secrète. 

Quand je les revois, ces images en noir et blanc me sont pénibles. Je n'avais pas beaucoup aimé ce film. Pas autant que le précédent. Mais quand même davantage que les suivants. Il y avait surtout Tom Waits, et surtout sa musique que l'on écoutait en boucle avec Jean.


Nous nous sommes perdus de vue pendant plus de quinze ans et j'ai tout au long de ces années regretté de ne pas avoir compris ce qui s'était joué, ma fuite, nos silences.
J'ai retrouvé sa trace il y a un peu plus d'un an. Nous avions pris un coup de vieux évident, mais le véritable choc résidait dans cette sensation étrange, nos échanges étaient les mêmes qu'avant, le temps, sur ce plan, avait été suspendu. Nous voilà bien. 
J'ai immédiatement pensé à sa mère, cette petite femme à la Gitane. Je n'osais lui demander des nouvelles, de peur d'en apprendre de mauvaises. Je faisais le tour. Je parlais de sa sœur. Et entendais enfin que sa mère était toujours là. Valérie également et ils avaient désormais une fille. Non, Jean n'avait pas changé. Toujours aussi radical, aussi marginal. Un peu plus impressionnant aussi.
Nous nous sommes revus une ou deux fois chez moi ou à Paris, nous sommes parlés par téléphone et mail. J'ai promis d'aller le voir du côté de Lille et souhaité aussi revoir sa mère. Mais les mauvaises nouvelles la concernant avaient attendu que nous nous retrouvions. Je suis retourné dans les Ardennes, dans ce même cimetière où j'avais assisté à l'enterrement de son père vingt ans plus tôt. Je l'ai revue à la mise en bière. J'ai manqué m'évanouir. Un trop plein d'émotions. J'avais revu Valérie, fait connaissance avec leur fille, revu la sœur de Jean, retrouvé cette région encore industrielle il y a quinze ans et désormais à l'abandon. Après une petite collation, j'ai repris la route avec un cousin de Jean, un flic très sympa, membre de la BAC du 16e arrondissement, spécialisé dans la protection des joueurs du PSG. Il faut absolument que je le revois et prenne le temps de parler foot et coulisses avec lui. Comme il faut que je fasse le voyage dans le Nord et renoue véritablement avec Jean. Désormais, la bêtise est assumée et il ne reste plus grand chose à perdre. 


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