dimanche 9 novembre 2014

Où on en est…



Hier soir, je dînais chez des amis – il m'en reste une poignée. Ceux-là mêmes qui m'avaient appris il y a environ un an l'existence de Nabilla. Quoi ? Tu n'as pas vu la vidéo ?, s'étaient-ils étonnés. En quelques clics, j'avais devant moi la fameuse réflexion sur les filles et le shampooing, suivie de la formule qui a fait la gloire de cette énième poupée sursiliconée. A mon tour, fier de moi, je l'avais révélée à mes filles, histoire de rire et de parler dérives. Depuis, elle fait partie du paysage, de la culture commune. Nous l’avons acceptée. On dit Nabilla comme on disait Marilyn.
Aujourd'hui, je réalise qu'étrangement, au cours du dîner d'hier, nous n'avons pas évoqué le fait divers, de plus en plus abracadabrantesque, et certainement déjà beaucoup commenté ici et là, ayant pour protagonistes Nabilla et son gars. Il y a deux jours, je n'avais pu résister à ce nouveau buzz. A-t-il déjà été remplacé par un autre ? J'ai toujours pensé qu'il y avait dans ce type de phénomène matière à fiction. Je garde cette idée dans un coin de la tête, et elle me sert de prétexte pour cliquer sur n'importe quoi. C'est quand même un peu plus marrant que le spectacle de nos hommes et femmes politiques, de leurs pseudo-étripages permanents devant caméras et micros, histoire de ne pas évoquer l'essentiel : c'est quoi, le projet ?
Bref, on pourrait gloser des jours entiers sur les stars d'aujourd'hui, faire notre Edgar Morin de comptoir, déplorer le décervelage généralisé, l'abrutissement des masses, les excès de la chirurgie esthétique, s'offusquer de voir une petite michetonneuse devenir une nouvelle célébrité, des chanteuses assises sur leur talent, prendre un air sérieux, échafauder des sentences définitives sur où on en est. C’est tentant. D'autres plus aptes que moi s'y attellent. De mon côté, je n'y vois aucune utilité. J'ai l'impression que toute analyse sera immédiatement dépassée, ridiculisée par un nouvel outrage à la raison, un nouveau buzz grotesque savamment mis en scène par les marionnettistes à la tête de ces programmes infantilisants.
Comme d'autres, j'imagine, je me demande toujours quelle part de ces news est écrite, jouée, mise en spectacle pour nous divertir, nous intriguer, relancer une « carrière » et je m'amuse à trouver entre les lignes ce que les petits rapporteurs semblent ignorer eux-mêmes tout en sachant qu'ils ne sont pas dupes. Je me fais mon film.
Même sans avoir la télé depuis des années, ne fantasmant pas sur les poitrines en plastique, et bien que réfugié dans les livres et les bras de ma femme, je ne peux échapper à tout ce bazar. J'aimerais, mais ce n'est pas possible. On est foutu ou bien ? 

2 commentaires:

  1. Ce sourire triste de n’être qu’une poitrine opulente m’émeut.

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  2. Eh oui, elles sont touchantes au fond ces Nabilla, Loana ou Lolo Ferrari, venues se griller à la lumière incandescente de la célébrité facile. Elles sont tragiques même, victimes consentantes de la pornographie de leur époque... Elle est peut-être là la fiction... Il y a du Sue perdue dans Manhattan en elles... P.

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