lundi 3 novembre 2014

Hors-circuit

Vincent Macaigne, à l'enterrement du cinéma d'auteur français

Un vent nouveau, frais et léger, souffle sur le cinéma d'auteur français. C'est à peu près ce qu'il se disait il y a quelque temps autour de films comme La fille du 14 juillet, La bataille de Solférino ou Un monde sans femmes. Le premier m'avait beaucoup amusé. Le décalage de l'image et du son, dû à la post-synchro et aux prises de vue accélérées et muettes se conjuguait parfaitement avec le ton de cette comédie loufoque servie par de très bons comédiens, dont Vincent Macaigne, par ailleurs présent dans les deux autres films cités. Je n'ai pas vu La bataille de Solférino, mais plutôt apprécié le moyen métrage de Guillaume Brac, Un monde sans femmes, maté en DVD quelques mois après sa sortie. Et puis, Vincent Macaigne est devenu l'acteur incontournable, et, déjà metteur en scène de théâtre dans le vent, réalisateur aussi je crois, et partout présent dans les médias dans le coup. Du coup justement, j'ai pris de la distance pour éviter les coups, et ne pas me lasser de ce type un peu dépressif, un peu clodo-baba, drôle et énervant à la fois. J'attendais comme beaucoup le premier long de Guillaume Brac, Tonnerre. Mais à sa sortie en salles, je suis resté dans ma distance-méfiance. D'autant que je ne vais plus tellement au cinéma. Les films passent trop vite, et la vie aussi. Les salles sentent le pop corn et les cartes illimitées limitent les choix. L'impression de voir les mêmes affiches, les mêmes horaires partout. Bref, je me fais vieux et con, refusant les abonnements de ci de ça, ou de traverser tout Paris pour aller voir un film plus fragile à 14h15 en compagnie de quelques égarés dans mon genre…
J'ai quand même emprunté à la médiathèque Tonnerre avec deux n et deux r. Et Vincent Macaigne. Et Bernard Menez, pour la touche Rozier. Ah oui, parce que maintenant, la référence de la nouvelle génération des cinéastes formés à la Fémis, ce n'est plus forcément Godard ou Truffaut mais le gars plus marginal, plus rare, plus anar, voire ambigu, Jacques Rozier. Je me souviens de l'avoir rencontré un jour, tiens. Je me rendais chez Pascal Thomas pour un entretien. Et c'est Rozier et son air hirsute qui m'ont ouvert la porte. Thomas était en retard et Rozier m'a conduit dans une pièce pour l'attendre. J'ai aussitôt regretté que l'effet de surprise, en trouvant là Rozier, m'ait congelé l'audace de discuter un moment avec lui. Thomas a raconté cette période de sa vie dans le passionnant et foutraque Grand appartement, avec Arditi dans le rôle de Rozier le squatteur et la superbe Laeticia Casta dans le rôle de je ne sais qui, impeccable en tous cas. Mais c'est une autre histoire.
J'ai beaucoup souffert devant Tonnerre. Ma compagne aussi. Cela m'a presque rassuré, même si je me dis qu'on est peut-être trop vieux pour s'enthousiasmer devant si peu. On a failli éteindre au bout d'un quart d'heure mais on a fait un effort et regardé jusqu'au bout… On n'aurait peut-être pas dû. D'où vient cette sensation de perte d'originalité d'un film à l'autre ? Est-ce le passage au format long qui formate le cinéma et ses auteurs les plus audacieux ? Le charme ne fonctionne-t-il que sur la courte ou moyenne durée ? L'inspiration n'a-t-elle vécu que le temps de l'innocence et a-t-elle été étouffée par la logique industrielle de la production de programmes ? J'avais malheureusement le temps de me poser toutes ces questions tellement le film est vide de cinéma et de propos. Et malgré cette vacuité, ce manque d'ambition, de rythme et de finesse, le film parvient à instiller une lourdeur inouïe. Tout est appuyé, explicatif, mal foutu, attendu et souvent grotesque. Les rebondissements du récit ont l'air obligatoires, forcés, présents pour relancer l'intérêt. Mais l'intérêt de qui ? Celui des financiers ou celui des (télé)spectateurs ? Le résultat est-il celui espéré par le cinéaste ? En rangeant le disque dans sa boîte, j'ai lu que les bonus proposaient 10 scènes coupées, et mon désarroi de croître. Est-il indispensable de montrer également ces scènes ? Pourquoi ont-elles été coupées ? Alourdissaient-elles un peu plus le film ? Etaient-elles redondantes ? Ratées ? Le montage final atteignant 1h50, quelle aurait été la durée du film si ces scènes n'avaient pas été écartées ? Combien de pages comportait le scénario ? Aujourd'hui encore, avec 24 heures de recul, je ne pense rien de bon à propos de Tonnerre et en suis tellement désolé que je préfère oublier pour toujours messieurs Brac et Macaigne, ignorer la critique parisienne unanime et branchée et chercher le nouveau souffle du cinéma français ailleurs, par ici peut-être, dans sa marge, dans sa banlieue, hors circuit. Ou attendre le prochain film de Rozier…

1 commentaire:

  1. Cette nouvelle "nouvelle vague" du cinéma français, un peu autoproclamée, joue avec astuce des codes du cinéma du passé, mais n'invente rien, elle va donc vite tourner en rond et s'épuiser. C'était juste un joli tour de passe-passe. D'ailleurs c'est moins ce cinéma qui est énervant, que ce qu'on a essayé de nous faire croire qu'il était. P.

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