samedi 29 novembre 2014

La salle d'attente du fascisme


 

J’ai toujours été anarchiste. Depuis l’enfance. La mort de mon père survenue quand j’avais neuf ans aurait pu faire que je recherchasse des figures d’autorité de substitution, que je devinsse fasciste. Or, elle eut au contraire cette vertu de me rendre allergique aux curés, aux policiers, aux militaires, aux hommes politiques. En 1968, j’ai eu douze ans. L’époque prit la couleur de mon drapeau intime. Toutefois, quand, les années qui suivirent, j’écoutais les anarchistes militants, je les trouvais sans charme. Sérieux et naïfs. Aussi peu ragoûtants que d’autres politiciens. Avec leur barbe, on eût dit qu’ils portaient leurs génitoires sur le visage. Leur anarchie n’était pas la mienne. Ils faisaient advenir la leur après une révolution. Elle serait le règne de l’autogestion, du partage des tâches, de la responsabilité individuelle, de l’égalité de tous. Je ne voyais là rien de poétique ni de sentimental. L’anarchie existait pour moi quand je me baignais sur la plage de la Côte des Basques avec une petite fiancée et que nous allions nous embrasser ensuite, au soleil, sur le sable ; quand je flânais dans Biarritz avec mon ami Jacques Léglise et que nous discutions de musique, de cinéma et de filles ; quand je roulais à moto en pleine nuit, cheveux au vent, sur la corniche d’Hendaye ; quand je restais chez moi, seul, à écouter de la bossa-nova ou Léo Ferré. C’était des moments volés à l’ordre. C’était le plaisir au pouvoir, le pouvoir au plaisir. Jacques est mort quand il eut dix-huit ans. L’été de son anarchie prit fin en septembre 1975. Le drapeau noir devint pour moi désormais une étoffe couleur de mélancolie.
Aujourd’hui, politiquement, je suis resté fidèle à mon idéal. Je continue à cultiver mon anarchisme comme un état d’âme. Un mélange de misanthropie et de besoin de tendresse. À mes contemporains, je souhaite que leur désir de trouver un dieu et des maîtres soit exaucé. Moi je demande que ma vie indolente se poursuive et que la nostalgie me préserve pour longtemps encore des folies de l’espérance.

Frédéric Schiffter, Dictionnaire chic de philosophie,
éd. Ecriture

Defensa de la alegria


Défendre la joie comme une tranchée
la défendre du scandale et de la routine
de la misère et des misérables
des absences transitoires
et définitives

défendre la joie comme un principe
la défendre de la stupéfaction et des cauchemars
des neutres et des neutrons
des douces infamies
et des graves diagnostics

défendre la joie comme un drapeau
la défendre de la foudre et de la mélancolie
des naïfs et des canailles
de la rhétorique et des arrêts cardiaques
des endémies et des académies

défendre la joie comme un destin
la défendre du feu et des pompiers
des suicides et des homicides
des vacances et de l’accablement
de l’obligation d’être joyeux

défendre la joie comme une certitude
la défendre de l’oxyde et de la crasse
de la fameuse patine du temps
de la fraîcheur et de l’opportunisme
des proxénètes du rire

défendre la joie comme un droit
la défendre de dieu et de l’hiver
des majuscules et de la mort
des noms et des pitiés
du hasard
et aussi de la joie.
Mario Benedetti,  (1920-2009) – Cotidianas (1979) – Traduit de l’espagnol par Annie Morvan

Les livres ne changeront plus vos vies

Sur le site du journal espagnol El Pais, je lisais récemment un texte de Philip Roth, une réflexion intéressante sur Portnoy, intitulée Le livre qui a changé une vie, la sienne en l'occurrence. Annonçant il y a deux ans qu'il se retirait du monde littéraire, il répondait ainsi à la question concernant son futur emploi du temps : « Je vais relire mes livres, histoire de vérifier si je n'ai pas perdu mon temps. » Une réponse sous forme de boutade, pensèrent certains, mais avec Roth, le mensonge n'est jamais bien éloigné de la vérité. Et il a tenu parole. 

vendredi 28 novembre 2014

Connaissez-vous Fred Deux ?




Le livre a survécu à une dizaine de déménagements en plus de 25 ans. Il est costaud. Et m'a toujours un peu effrayé. Je ne sais pas pourquoi je l'avais volé, celui-ci. La photo de Doisneau sur la couverture de l'édition chez Losfeld ? Pas sûr. Recommandé par quelqu'un ? Je ne crois pas. 
Dans un entretien je ne sais plus où, il y a quelques années, Richard Morgiève en fait l'éloge. Mais j'ai connu Morgiève bien après. En fait, lorsque je lis l'entretien, je ne sais pas qui est cet auteur que Morgiève dit inconnu et essentiel, un certain Fred Deux. C'est lorsque je découvre le titre du roman que je comprends que Fred Deux et Jean Douassot sont une seule et même personne. J'ouvre de nouveau La gana, signé Douassot, et en lis les premières lignes. Décidément, ce n'est pas encore pour aujourd'hui, me dis-je. Il y a des livres comme ça qui résistent aux premières approches, se laissent désirer, disent d'abord non et finissent par rester collés à vous pour toujours. Il faut les mériter.
Je l'ai enfin lu il y a quelques mois. Je ne m'en suis toujours pas remis. Il est là, dans un coin de la tête, lancinant, pesant. Lorsque j'ai annoncé mon exploit à Morgiève, il m'a recommandé de lire La perruque. Ok. Non seulement, le titre n'est plus disponible, mais je ne peux pas enchaîner deux Deux et espérer continuer à chanter sous la douche, faire des projets et préparer la révolution. On verra dans 20 ans.
En me plongeant dans La gana, j'ai eu la sensation qu'il était question de mon enfance. Un univers proche de celui où j'ai grandi, de ceux que j'ai côtoyés. Cette banlieue grise et poisseuse, j'ai cru qu'il s'agissait d'Alfortville, au bord de la Seine. Y habitait le parrain de ma soeur, el Rafa. Nous y allions presque tous les dimanche. J'ai compris plus tard que Deux décrit Boulogne qui, avant de devenir l'un des fiefs de la bourgeoisie de l'ouest parisien, était, dans ces années trente de Deux, une ville industrielle et donc ouvrière. 
Les cafés, où le gamin va chercher son père, je les ai visités moi aussi. Avec ma mère se tenant à distance. Les déambulations dans les terrains vagues, les petites filles dont on rêve et à qui on parle trop brutalement... 
Et puis, il y a ces scènes oniriques, surréalistes, qui explosent le récit naturaliste, sans pour autant rendre l'épreuve plus acceptable. 
Je me demande si ce n'est pas pour ça que ce roman est longtemps resté en attente. Lire était pour moi, lorsque je m'y suis vraiment mis, m'ouvrir à l'inconnu, au savoir, à d'autres formes de pensée, sortir de chez moi sans bouger de ma chambre. Tout comme je ne supportais les discours misérabilistes, me renvoyant directement à ma condition, je ne pouvais lire ce type de littérature. A l'exception de John Fante et de son père poseur de briques, mais c'était loin, l'Amérique... Même chose pour le cinéma. Si j'ai aimé Lubitsch ou les comédies musicales par exemple, c'est parce que c'est du cinéma, que le monde représenté est à l'opposé du mien, qu'il me propose une vision purement spirituelle de l'existence, luxe, calme et volupté. Et parce que je pensais que c'était ça, la culture à avoir. 
Depuis, Eugène Dabit, Charles-Louis Philippe, Jean Meckert et d'autres me foutent des baffes. Il était temps. Merci à eux. 
La gana a été réédité de nombreuses fois depuis sa parution en 1958 chez Maurice Nadeau. En 2011, ce sont les éditions Le temps qu'il fait qui ont repris le flambeau. Fred Deux, né en 1924, est toujours en vie, quelque part dans le Berry. 

 

On peut trouver un extrait de La gana, ici, sur le site de son éditeur actuel


jeudi 27 novembre 2014

Et la santé, surtout !

En allant à l'hôpital, j'ai eu un accrochage avec un automobiliste qui s'est mis à m'insulter. Ma faute ? J'avais ralenti et freiné devant un passage piéton pour laisser passer quelqu'un. Apparemment, ça ne se fait pas. 
- Putain, tu regardes dans ton rétro avant de freiner !
- Il y a un passage piéton. Tu ne vois pas ?
- Mais tu t'arrêtes pas quand tu as une voiture derrière. Je m'en bats les couilles moi, du passage piéton !
- Pour ça, il faudrait déjà que tu en aies.
Je crois qu'il n'a pas bien saisi et a continué à vociférer. 

Lorsque j'ai pénétré dans le hall de l'établissement, j'ai eu l'impression d'assister à un vernissage dans une galerie d'art. Des gens avaient un verre à la main, disaient des conneries et semblaient épatés par ce qu'ils voyaient. Il s'agissait d'une démonstration d'un robot chirurgical. Cette animation permettait à tout un chacun de se mettre dans la peau d'un chirurgien de demain et de piloter les différents bras de la pieuvre mécanique, comme à l'hôpital. Le jus de fruits coulait à flots. 


Ma mère a enfin une voisine de chambre. Une femme plus jeune qu'elle, se faisant opérer de la hanche. On lui a proposé de léguer son fémur, me raconte ma mère. Je pensais qu'on ne faisait don que de ses organes. Et encore, une fois mort. Flora a ri de moi. Heureusement, un paravent la sépare de sa voisine.
Flora a été opérée mardi d'une PTG droit, comprenez : on lui a posé une prothèse au genou droit. Aujourd'hui, je l'ai trouvée assise dans un fauteuil, la jambe posée sur une chaise. Elle s'est réjouie de me voir, elle allait pouvoir changer de place. La perspective de l'aider à se recoucher m'a tétanisé. Heureusement, elle avait envie d'aller aux toilettes et m'a demandé ce que j'en pensais : appelait-elle une infirmière ? Excellente idée ! J'ai immédiatement proposé de courir en chercher une. Elle a brandi son bouton rouge en maudissant la vie qui lui a donné un fils aussi stupide. L'infirmière a bien mis cinq minutes à débarquer. Une belle Antillaise qui s'est prise pour Jésus. Elle a demandé à ma mère de se lever et de marcher. Et le miracle s'est produit. Avec une paire de béquilles et à la vitesse d'un escargot arthritique. Le parcours me semblait tellement long que j'avais peur qu'elle se lâche en route. Il n'en a rien été.
Lorsque ma mère a regagné son lit, sa voisine s'est exclamée : « Vous devez être soulagée ! C'est quand même mieux que de faire dans le lit ! » Elle parlait du légendaire bassin métallique auquel nous avons tous un jour été confrontés baignés d'angoisse.

Depuis que la coloc est là, TF1 passe en boucle dans la chambre de ma mère. Je découvre un monde merveilleux d'émissions dites de téléréalité. Des gens filmés dans un lit analysent leur nuit et la literie. D'autres, la bouffe. Tout est désormais compétition, délation et élimination. Et confession. Face caméra, les yeux dans les yeux. Je me souviens maintenant pourquoi j'ai décidé il y a quelques années de me passer de télévision. Et je n'ai qu'une hantise, celle d'être un jour hospitalisé, immobilisé dans un lit et obligé de regarder ce genre de choses. Je sais que mon heure viendra. La tienne aussi...

Sur l'écran, dans ce qui m'a semblé être une bande-annonce, j'ai cru apercevoir le petit-fils de Casque d'or…
 

La nostalgie est toujours ce qu'elle était

Dédée d'Anvers. Un titre croisé dès le début de la cinéphilie forcenée. Son réalisateur n'avait pas bonne côte chez les prescripteurs du septième art. Il est vrai que la mise en scène est un peu molle. Les séquences de bagarre notamment font pitié. Le film débute par des plans documentaires du port d'Anvers. C'est le générique et le prétexte à notre histoire. Une histoire éternelle, celle de la pute au grand coeur, amoureuse d'un marin de passage. C'est, comme on le sait, le rôle qui a vraiment lancé Simone Signoret. La future Madame Rosa n'a pas encore eu le coup de foudre pour Montand. Elle est entre 1948 et 1949 l'épouse du frère de Marc Allégret et tournera deux autres films avec lui : Une si jolie petite plage et Manèges. Elle est un peu gauche en Dédée, très mince, épaules trop larges dans sa veste cintrée, elle marche le dos voûté, mal à l'aise en talons sur les pavés.
Elle en fait un peu trop. Et son mari mise tout sur son sourire, ses yeux canaille et sa gouaille parigote. La femme fatale est en construction, et déjà bouleversante. Elle explosera quatre ans plus tard, dans les bras de Reggiani, rue des cascades, à Ménilmontant.
Qu'est-ce qui fait de Dédée d'Anvers, sorti en 1948, un film de l'entre deux guerres ? La modernité qu'on y cherche vainement. Même la présence de Marcelo Pagliero, découvert dans Rome ville ouverte, ne l'assure pas. Et en dehors du générique très certainement tourné par une deuxième équipe, les prises de vue eurent lieu en studio, à Joinville-le-Pont qui, certes, possède également un port, mais de plaisance. De quoi coller à l'imagerie commune des villes portuaires, de ses docks et de ses rues interlopes. Réalisme poétique déguisé en néoréalisme. D'ailleurs, suite à la présentation sous les sifflets masculins du personnage de Dédée, le récit débute comme Hôtel du nord, par une scène de repas « en famille », l'hôtel ayant été remplacé ici par le bouge, tenu par un Bernard Blier qui a pris de l'épaisseur dix ans après le film de Carné. Il y est excellent. Et puis, il y a le grand Dalio. Encore dans un de ces rôles de magouilleur médiocre et sournois, auxquels le cinéma français a cantonné ce « métèque » dont une grande partie de la famille vient de disparaître dans les camps. 
Et pourtant un charme se dégage, une petite musique. Peut-être pour tout cela et pour tout ce que le film, qui arrive trop tard, n'est pas. Son anachronisme, sa gaucherie et ses acteurs me le rendent sympathique. C'est déjà ça.

mercredi 26 novembre 2014

Ça s'en va et ça revient

Je ne suis pas un spécialiste de la musique espagnole, de sa variété. J'aime en écouter. Cela n'a pas toujours été le cas. Quand on cherche à s'intégrer, presque anonymement, on oublie, on rejette, on nie même parfois ses origines. Aimer les Beatles à 13 ans, le ska à 15, Dylan à 17 ou Ferré et Barbara à 20, ça me permet la distance, rend ringarde la rumba catalane ou le flamenco. Ce qui me lie à mes parents, à mon milieu. Je n'ai jamais revendiqué cette musique en tous cas, l'ai écoutée seul. Sans partage. Internet permet de réparer ces erreurs de jeunesse. Car cette culture populaire, je ne peux finalement y échapper.
Au cours d'une soirée chez Lola, j'ai entendu ce chanteur dont il reste peu d'images aujourd'hui. Bambino, né en 1940, contribua en grande partie à rajeunir la « chanson aflamencada ». Miguel Vargas Jimenez, gitan d'Utrera (Andalousie), tient son nom de scène de la fameuse chanson napolitaine. Sa technique était explosive et lui brisa les cordes vocales. Il meurt en 1999 d'un cancer de la gorge après avoir subjugué bien des admiratrices, et admirateurs. 


C'est également Lola qui m'a fait découvrir ce duo de sœurs gitanes, Las Grecas. Leur histoire est justement une tragédie, digne d'un biopic hollywoodien, avec déchéance dans la drogue pour Tina, la plus jeune sœur, celle qui n'est pas sûre d'elle et de sa chorégraphie, escroquerie de leur manager, remplacement de Tina, trahison, procès, etc. Leur gypsy rock – qui tient principalement à introduire la guitare électrique et la batterie dans cette musique aflamencada – influencera Camaron, l'enfant prodige du flamenco qui fit un virage surprenant à la fin des années 70, causant un scandale digne de celui de Dylan en 1966.

 
Autre duo gitan, celui des deux frères Amaya. Il sévit à la fin des années 1960. Ils n'électrisent pas vraiment, mais leur dégaine laisse rêveur… Cette chanson parle de la méchanceté d'une femme à laquelle il est ordonné de partir… 
 



En 2013, la rockeuse valencienne Bebe reprend la chanson, accompagné par ses créateurs, et je ne sais pas pour vous, mais je trouve ça assez émouvant…



Ça ne nous rajeunit pas, mais que c'est bon !
C'est ici que Camaron a pété les plombs pour certains puristes en rock-popisant Garcia Lorca. On les emmerde disait la crevette de l'île. Le disque qui fut un échec en 1979 est devenu culte. C'est la seule vidéo disponible où l'on voit l'interprétation, alors pardon pour le playback et la coupure de la télévision espagnole.
 

Dégats de la mondialisation

Mark Flood
- Tu connais sa femme ?
- Non, il l'a rencontrée là-bas.
- Pourquoi tu n'y es pas allé, toi aussi ?
- Où ça ? Au Maroc ? 
- Ben oui.
- J'aimerais bien y aller.
- J'en étais sûre.
- Comment ça ? T'étais sûre de quoi ?
- Que ça te faisait envie.
- Oui, j'en rêve depuis très longtemps, de ce pays. Je ne sais pas très bien pourquoi.
- Ce n'est pas ce que je voulais dire.
- Je me souviens avoir lu il y a peut-être vingt ans un long papier dans Le Diplo, une sorte de voyage à travers le pays, et ses paysages totalement différents en l'espace de quelques kilomètres.
- Elle a quel âge ?
- Qui ça ?
- Sa femme.
- Je n'en sais rien. 
- 25 ans ?
- Quelque chose dans ce genre, mais je t'ai dit, je ne la connais pas. 
- Il faut vraiment que j'anticipe ce moment.
- Quel moment ?
- Celui où tu en auras marre de moi, de mes petits seins, de ma vieille peau et me préfèreras une fille de 25 ans à gros seins et à la peau fraîche...
- Tu es sérieuse ?
- Oui.
- Et ça consiste en quoi, cette anticipation ?
- Ben moi aussi, il faut que je me trouve un mec plus jeune.
- Ah bon ?
- Oui, parce que tôt ou tard, tu me quitteras. Les hommes sont comme ça.
- C'est vrai que tu as une grande expérience en la matière...
- Fais pas le malin. Tout le monde sait que c'est comme ça.
- C'est écrit dans les magazines que tu lis, j'imagine.
- Il n'y a aucune raison pour que ce soit toujours les hommes qui partent avec des filles plus jeunes.
- Tu t'en occupes quand ?
- Bientôt, ne t'inquiète pas pour moi.
- Il y a de quoi quand même... 
- Je ne veux pas regretter de ne pas l'avoir fait quand tu seras parti.
- Voilà plus de sept ans qu'on est ensemble. Tu crois que si mon rêve était d'aller me trouver une femme de 25 ans au Maroc, ou en Roumanie comme ton mari, ce ne serait pas déjà fait ?
- On change. Et maintenant qu'on vit ensemble, tu vas en avoir marre de moi plus vite.
- C'est sûr que si tu continues avec ce genre de délire...
- Tu vois ?
- Je vois quoi ?
- Qu'il faut que je m'en occupe. Sinon, je vais le regretter.
- Et si tu le fais, mais que je ne le fais pas, tu ne vas pas le regretter ?
- Je vais regretter d'avoir été obligée de le faire.

Balade sanglante

Certes, la comédienne principale est une très bonne amie. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas en parler. D'autant plus que le distributeur d'origine, le groupe SND, autrement dit M6, a lâché le film peu avant la sortie en salles, ne sachant pas comment vendre cet OVNI non formaté. C'est un petit distributeur indépendant, Carlotta, spécialisé dans le cinéma de répertoire, qui reprend l'affaire. Il offre au film un écran dans la salle qu'il possède à Paris. Un bébé mort-né, donc, puisque ce sera la seule salle de la capitale à le programmer. La réalité de l'industrie cinématographique est parfois assez glauque.  
Vous me direz, du glauque, Alleluia, du Belge Fabrice du Wetz, en distille à tous les plans. Il faut avoir le coeur bien accroché pour suivre cette nouvelle adaptation du parcours d'un couple de tueurs ayant sévi dans les années 1940 et dont la vie sanglante a déjà inspiré quelques films comme le sublime et baroque Tueurs de la lune de miel de Leonard Kastle ou Carmin profond du mexicain Arturo Ripstein. 
Alleluia est avant tout un film sur l'amour fou et sa copine, la jalousie. C'est un film de genre, mais genre barré, outré, libre, effectuant le grand écart entre Hitchcock et Argento, mâtiné de Simenon. Et puis, il y a Lola, époustouflante, et encore, je me retiens parce que je n'aime pas le copinage. Mais elle n'a pas besoin de moi, sa carrière est remplie de prix d'interprétation amplement mérités. A ses côtés, Laurent Lucas, plus en retenu (c'est son truc), mais tout aussi inquiétant, et Héléna Noguerra, entre autres. Pour ceux qui se souviennent de Calvaire, autre opus du Belge du Welz, Alleluia, c'est encore mieux. Pour les autres, courrez-y ! Ce serait con de rater ça...




Justice (et beauté) sur terre

Photo publiée dans le New York Times de ce jour

Tant qu'on a la santé

L'été dernier, pour un papier, je me suis entretenu avec quelques cinéastes. Certains que je connaissais, d'autres que je voyais pour la première fois. L'un d'eux m'intriguait depuis des années. Je me souviens avoir été marqué par un de ses courts métrages datant de l'époque de ma cinéphilie débutante et hésitante. Il y a donc plus de vingt ans. J'avais suivi sa carrière avec plus ou moins d'intérêt ne comprenant pas bien certains choix de sujets ou de productions. Et puis, l'an dernier, j'ai été sidéré par son film, l'un des plus beaux de ces derniers temps. J'aimais tout là-dedans. La lumière, les acteurs, les personnages, le propos, la mise en scène, la modestie et la grandeur. Un ami commun m'avait filé ses coordonnées et l'invitation fut immédiatement acceptée.

mardi 25 novembre 2014

Imposture critique

Michel Ciment se fout du monde. Les éditions Rivages itou. Vient de sortir ce bouquin d'entretiens avec le septuagénaire critique, parfois dogmatique, souvent passionnant et toujours à Positif.
Or, on voudrait nous faire croire que, sur la couverture dudit ouvrage, Ciment pose avec son interlocuteur N.T.Bihn. Non seulement ce confrère de Ciment se déguise souvent en Yann Tobin pour en croquer un peu plus, mais ressemble au type de la photo - certainement un fan de Ciment posant à ses côtés pour un selfie - que lorsque les lumières de la salle de cinoche sont éteintes. J'imagine que chez l'éditeur, on va attribuer la boulette à un vulgaire stagiaire, mais si ça peut les aider, pour une réédition, voici qui est NT Binh.
Avouez qu'il était temps de révéler la supercherie !
Sachez que le spécialiste de Kubrick sera à la librairie Millepages de Vincennes, un refuge hautement recommandable, le 29 novembre à partir de 17h00 pour une rencontre-débat gratuite. Allez savoir, l'inconnu du selfie sera peut-être présent également. Ce sera l'occasion de dénoncer publiquement cette imposture.

lundi 24 novembre 2014

Pourquoi tant de haine ?

Je n'ai pas lu le livre de Valérie Trierweiler. Je dois googliser cette dame pour trouver la bonne orthographe de son patronyme. J'ai tout juste survolé les papiers concernant Merci pour ce moment et trouvé quelques extraits dévoilés par la toile début septembre. Le terme « sans-dents » employé par notre François national et socialiste pour désigner la plèbe m'a choqué, mais pas surpris. Un mépris de classe semblable à celui d'un Sarkozy ou d'un Chirac.

dimanche 23 novembre 2014

Marion's back

Je vous jure que ce n'est pas une obsession. J'ai passé un dimanche tranquille, entre courses, balade avec le chien, cuisine, promenade avec ma fille (et le chien), visite rapide à ma mère qui entre à l'hôpital demain… Bref, toutes ces choses que l'on n'a pas le temps de faire en semaine. Et ce soir, j'allume l'ordi, fais un tour sur différents sites d'infos et voilà sur quoi je tombe…


Quand je vous disais que la Marion avait du talent. Le problème, c'est qu'on ne s'en rend pas toujours compte, surtout quand elle est assise...

samedi 22 novembre 2014

Toi aussi, bouge ton cul !

Parce qu'il n'y a pas que Mélanie Laurent en France. Parce que... Ben, je ne sais pas pourquoi. Un copain qui voulait m'énerver m'a envoyé ça. Et depuis, je ne cesse de me poser une question, une seule : pourquoi ?


Je mets au défi quiconque de regarder cette vidéo jusqu'au bout, qui n'est pourtant pas très loin puisque ce bijou ne dure que 4,50 min. 
Donc, maintenant, elle chante. Pour de vrai. Quand elle faisait Piaf, elle était cachée sous un maquillage lourd, prenant chaque jour 3 heures de préparation, nous avait-on dit. On ne la reconnaissait pas. Un peu comme si on m'avait engagé pour jouer Grace Kelly dans cet autre pensum de notre riche cinéma. Et, surtout, dans La môme, ce n'était pas elle qui chantait quand on entendait les refrains de son personnage. De quoi la remercier pour tous ces efforts en lui filant un Oscar. C'était la moindre des choses.
Le problème, c'est depuis. Hollywood, son gars Canet, leurs amis Lellouche, Dujardin et cie, ça a carte blanche désormais, ça starise toute la journée. Et des gens les paient pour ça. Ils sont devenus des décideurs. Ils marchent sur l'eau, comme on le voit ici.
Mais ça ne leur suffit pas. Tels les nouveaux riches que sont les footballeurs posant en caleçon pour des marques italiennes, nos vedettes transnationales du grand écran squattent plateaux télé, écrans publicitaires, industrie de la zique, journaux pipole, font le buzz à tour de rôle... Et pensent. Ils ont un avis sur tout. Surtout devant les micros tendus par les serveurs de soupe. S'ils se lançaient demain dans la politique, ils seraient élus. De vraies machines de guerre. Une guerre économico-culturelle, et donc politique. A l'américaine, avec le sourire et en bougeant son cul.

Simenon, ça déménage

- T'as fini, là ? J'en suis toujours à la même page… Au même paragraphe !
- Mais, qu'est-ce que tu lis ? Tu as changé, tu ne lisais pas ça hier.
- Bien sûr que si. Regarde, page 68. 
- Et alors ?
- Ben, ça veut dire que je le lisais déjà hier.
- Et c'est quoi ce livre, il est tout petit ?
- Ben, un petit Simenon. Comme celui que je t'avais offert. Des rééditions dans ce format pour le centenaire de sa naissance, l'anniversaire de sa mort ou je ne sais pas quoi.
- C'est lequel ?

vendredi 21 novembre 2014

Mike Nichols VS Julio Iglesias

Ça devait être à l'Action écoles, la première fois. N et moi y avons dévoré des dizaines de classiques du cinéma américain durant mes deux premières années de fac, à quelques mètres de là. J'étais ce type maladroit, qui plaisait aux femmes mûres plus qu'à leurs filles. Une espèce de gendre parfait qui s'ignorait, et déjà démodé pour les filles de mon âge.



Sacré bordel


Je ne me souviens pas de cette tunique. Et la vidéo, on a beau la mettre en HQ, elle est dégueulasse. Qu'elle est loin l'époque Beta. On a du mal à croire que ça a existé... Vive le numérique, donc ! Pourtant, je crois bien que j'y étais. J'aurais dit que c'était un peu plus tard, vers 1985/86, mais possible que ce fut en 1983. Peut-être est-elle venue chanter plusieurs fois dans ces années-là... Je n'écoutais qu'elle en ces temps post-adolescents, déjà nostalgiques. Elle et Gardel. Et Goyeneche.
Et Piazzola, également vu dans ces années-là, au Théâtre de la ville. J'avais approché lourdement une fille en lui offrant un bouquin (volé) de Carver et une place (achetée) pour le concert d'Astor. Elle a gardé Parlez-moi d'amour mais ne voulait pas en entendre parler. Or à cet âge niais, je ne concevais la drague que sous cet angle... Je suis allé seul au concert et ai revendu la place de la morte à une autre femme, rencontrée devant le théâtre. Il ne s'est pas plus passé quelque chose avec cette inconnue qu'avec la première. Et puis, celle-ci était vieille : au moins 40 ans... 
Pas loin de Châtelet, dans le début du quartier des dames à fantasmes, existait une boîte de tango, les trottoirs de Buenos Aires. J'y ai vu la Tana là-bas aussi. Avant ou après l'Unesco, je ne sais plus. Et comment me suis-je retrouvé dans cette salle froide et trop grande pour une telle musique ? Par une invitation certainement. Je suivais régulièrement une émission de tango sur Radio Latina, je crois. L'invitation venait-elle de là ? Ou FIP ? Aucun souvenir et peu importe. 
Cette chanson, interprétée assez théâtralement par la Tana, la Rital, surnom que se trimballe Susana Rinaldi depuis ses débuts, est signée Enrique Santos Discépolo. On doit également à cet auteur, disparu à 50 balais, des titres irremplaçables tels que El choclo ou Malevaje
Un cambalache est l'équivalent argentin de nos brocantes ou vide-greniers où l'on peut tout trouver. Ici, il est question du XXe siècle, période qualifiée de gros bordel où tout se vaut, où l'on peut être escroc ou savant, peu importe, tout se tripote. La chanson a été écrite en 1934. Heureusement, ça commence à dater, cette vision de la vie...

jeudi 20 novembre 2014

Conte des Mille et une pages

J'étais pressé, peur d'être en retard, je n'ai pas bien saisi le message. Je sais que c'était la BNF. Une pub pour une expo ? Ou juste pour l'institution elle-même ? Toujours est-il que c'était assez terrorisant. Je ne sais pas vous, mais c'est ce que ça a produit chez moi. J'ai enregistré le slogan, et l'ai repassé dans ma petite tête tout l'après-midi. En substance, il était dit que pour tout lire, il nous faudrait 150 000 années.

Push the Myth Away

Ce que je craignais un peu se révèle un peu à la projection. Mais j'ai quand même envie de revoir ce film et réécouter Push The Sky Away, le dernier album de l'Australien hypertexte et égocentrique. Le film est une hagiographie du punk lyrique héroïnomane chrétien repenti dont la musique m'accompagne depuis presque trente ans. Putain, trente ans ! La mise en scène est impeccable, soignée, sophistiquée, plus qu'il ne le faudrait peut-être. Le film oscille entre le faux documentaire (sur papier glacé) et le clip (de luxe). Il n'en reste pas moins que certains passages sont envoûtants, comme celui-ci, et que ce type semble effectivement peu humain.

mercredi 19 novembre 2014

Enfant de la Génération de 27

Le présent se remet entre les mains du futur de la même façon qu'une veuve ignorante et confiante se remet entre les mains de l'agent d'assurances retors et malhonnête.

Rafael Sanchez Ferlosio, Nous aurons encore de mauvais moments

En espagnol, le titre à rallonge est encore plus prophétique :
Vendrán más años malos y nos harán más ciegos
,
autrement dit, mot à mot,
Viendront des années plus mauvaises qui nous rendront plus aveugles

Rêve de WAG



mardi 18 novembre 2014

Vers reluisants



mon père se vantait d'avoir joué au real
équipe réserve
parfois c'était le rayo
equipo del barrio
je l'admirais j'étais fier
ma mère levait les yeux au ciel
dans les années soixante
et dix
ou après
son métier de maçon le fit rencontrer

le bluesman blanc
claude nougaro Un type comme ça
il fit chez lui des travaux
je l'enviais j'étais fier
ma mère me confiait récemment
sa rencontre avec mon père

et son premier boulot à paris
garder les enfants de la fille d'un écrivain connu
à l'époque
Comment s'appelait-il déjà?
Je ne sais pas si ça te dit quelque chose aujourd'hui
Bataille 
puis à neuilly elle entrait au service du général rheims
croisait peu son fils maurice
mais oui ses petites filles bettina et nathalie
nous vivions dans une autre banlieue
rouge

à cinq dans un deux pièces
j'aime penser que mes pauvres parents
ont eu ça
ce plaisir
cet honneur
cette satisfaction

appelle ça comme tu veux
comme ces lignes sans rimes
ni riches ni pauvres ni tristes
on s'en fiche
aujourd'hui