vendredi 31 octobre 2014

Brooklyn, France



 
Il est parfois des films qui vous réconcilient avec le cinéma, son aventure. Brooklyn est de ceux-là, assurément. Je connais Pascal Tessaud pour avoir suivi un très beau projet, porté des années durant et à ce jour non encore réalisé. Trop de politique là-dedans, trop de point de vue ouvrier et critique sur les rêves trahis par une certaine gauche. Car Pascal vient de là. D'un père OS chez Renault, monté à Paris au tout début des années 1980, lorsque l'espoir était encore permis. On connaît la suite. Et les instances du cinéma français ne veulent pas la voir racontée. « J’ai cru à la méritocratie française, fait mes preuves à travers les courts métrages et des documentaires, me suis rapproché du centre, mais rien à faire : quand on est issu d’un milieu ouvrier, nos sujets n’intéressent personne. » Pas ceux-là en tous cas. 
« Le système est tel qu’on finit par se sous-estimer si l’on ne correspond pas au modèle de réussite prôné ». Frappé d'un coup de pied au cul par Donoma, Rengaine et une poignée d'autres films sauvages produits hors système, Pascal oublie le découragement menaçant et casse sa tirelire. Toutes ses économies d'intermittent sont reversées dans la fabrication maison de ce qui devient son premier long (merci le Medef !). Création d'une association à Saint-Denis, travail avec des jeunes du quartier sous formes d'ateliers d'impros, scénario souple, équipe professionnelle bénévole et motivée, Brooklyn voit le jour et se retrouve... à Cannes ! - sélection de l'ACID (association du cinéma indépendant pour sa diffusion).Et devrait être sur les écrans début 2015.
Alors, Brooklyn, c'est quoi ? C'est un blaze. Le surnom d'une apprentie rappeuse débarquant sans un rond de sa Suisse natale dans notre belle banlieue parisienne. Et malgré son jeune âge, Brooklyn est une rebelle à l'ancienne. « Je suis old school, se défend Pascal Tessaud, formé par un rap social qui m’a poussé à l’écriture, défendu en France par NTM ou IAM et aux Etats-Unis par des groupes comme Public Enemy. Je ne suis pas nostalgique de cette époque mais je n’adhère pas du tout au rap bling-bling d’aujourd’hui qui met en avant les grosses voitures, les flingues, les drogues et les filles faciles… Mon film se veut une déclaration d’amour à la banlieue où je réside encore, trop souvent stigmatisée par les médias. J’essaie quand même de ne pas faire d’angélisme : je montre aussi bien les dérives qui ont gangrené les cités que la résistance qui s’organise à travers la création. » 
Servi par des comédiens épatants - KT Gorique en tête, mais aussi l'excellent Jalil Naciri, et l'inestimable Liliane Rovère -, Brooklyn est, malgré de toutes petites maladresses, un film qui respire une certaine idée d'un cinéma passionné, politique et poétique, celui des maîtres de Pascal, à commencer par son dédicataire, le Marseillais Paul Carpita. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire